Paul Deville aide une multinationale à compléter le collier de perles de la Chine en Afrique. Il s’agit en fait d’une stratégie géopolitique qui consiste à posséder le plus de bases navales à travers le monde. Chacune constitue une nouvelle perle au collier. En échange, la Chine propose ses services comme reconstruire une route, rénover un hôpital. Paul, ancien professeur en économie à Montpellier, poursuit un but à travers son métier : faire s’effondrer l’occident et son système économique en participant activement au système. « Paul avait compris qu’il demeurerait impuissant face à l’obscénité des décideurs. Les articles qu’il publiait, les conférences qu’il donnait ne pouvaient rien contre la course permanente au profit, cette quête d’argent qui se faisait contre le travail, les travailleurs et les êtres humains. Ses derniers espoirs foulés aux pieds, il avait cessé de s’acharner. Il avait renié et méprisé toutes se études. Puis l’idée lui était venue, presque trop facile, de participer au modèle existant pour en précipiter la perte. » Mais au fur et à mesure, du détroit de Bab-el-Mandeb au golfe d’Aden, il se rend compte que c’est la corne de l’Afrique qui est détruite et pas l’occident. Pour continuer à se voiler la face, Paul poursuit des chimères comme celle de croire que Arthur Rimbaud à continué à écrire lorsqu’il était en Afrique, que le vendeur de café, le trafiquant d’armes n’avaient pas englouti le poète. Alors, il cherche désespérément ses écrits africains.
« Courir après les ombres » est un magnifique roman sur les méfaits de la mondialisation, du capitalisme à outrance. Sigolène Vinson nous rappelle, d’une plume sobre et élégante, que nos modes de vie ont un impact sur des peuples à qui on ne laisse pas le choix. L’idéalisme retors du personnage central Paul Deville en est le témoignage. En pensant détruire le système, il ne fait qu’y participer et contribue à sa pérennité. Autour de lui se déploie une belle galerie de personnages : Mariam la petite pêcheuse somalienne, image même du courage et de la débrouillardise ; Harg le berger Afar qui au contact de Paul et de sa multinationale décide de devenir pirate ; Cush le cousin de Hard, qui paie des passeurs et risque sa vie pour s’échapper et rejoindre un monde « meilleur » ; Louise la française apatride, qui a perdu le goût et le sens de la vie. Des personnages qui sont tous broyés par le système ; certains se battent avec rage, d’autres ont déjà baissé les bras. « Courir après les ombres » est un constat lucide mais jamais revendicateur. Et puis, il y a la splendeur des paysages de Djibouti où Sigolène Vinson a grandi, de cette corne de l’Afrique méconnue, pauvre parce que spoliée et méprisée, à qui l’auteur rend un vibrant hommage.
« Courir après les ombres » se déploie avec langueur, mélancolie mais aussi avec colère, celle des dépossédés de notre système économique. Un très beau roman désespéré.
Merci aux éditions Plon pour cette découverte.
Apparemment, c’est une auteure à découvrir! As-tu lu « Cailloux »? Je l’ai acheté il y a quelques temps mais pas encore lu.
« Le caillou » plutôt!
Non, je n’ai pas lu « Le caillou », je découvrais l’auteur avec ce roman.
Je l’ai lu mais je n’en ai pas parlé. Étrangement, il ne m’a pas embarqué ce roman.
Ah oui, c’est étonnant, j’aurais pensé qu’il te plairait.
J’ai été un peu déçue pour ma découverte de l’auteure…
C’était également une découverte pour moi et j’ai aimé son côté lucide et désenchanté. C’est vrai que les thématiques abordées m’intéressent grandement et que je ne suis pas une grande optimiste dans l’âme, ça aide peut-être !
Un roman qui me fait très envie parmi ceux de cette rentrée !
Ce roman a vraiment été une belle découverte et la couverture est vraiment somptueuse.
Il m’attend sagement dans la PAL, il va me falloir l’en sortir 🙂
Ça me rassure de voir que tu n’as pas encore lu tous tes livres de la rentrée ! Je suis grave en retard cette année…
Malgré les avis enthousiastes, je n’arrive pas à être attirée par ce livre…il y a un je-ne-sais-quoi qui me rebute…
Il ne faut pas te forcer alors ! La thématique anti-capitaliste ne pouvait que me plaire et je suis moi même assez désenchantée.
« L’idéalisme retors » (du personnage central), oui, c’est tout à fait ça !
« Un très beau roman désespéré », c’est aussi ce que j’ai ressenti, mais en me disant que l’auteur, au-delà de ce désespoir manifeste, devait chercher à nous faire réagir, parce que sinon, à quoi bon …
C’est un constat lucide mais c’est aussi un hymne à la poésie, à la littérature. J’ai eu l’impression que Sigolène Vinson croyait encore au pouvoir de la littérature pour changer le monde ou au moins pour nous faire réfléchir.
A priori, l’histoire ne me tentait pas, mais ce que tu en dis me pousse à aller y voir de plus près ! Je le note 🙂
La recherche des poèmes africains de Rimbaud m’a tout de suite attirée, la question du changement de carrière du poète m’a toujours questionnée.
Alala, je n’arrive toujours pas à me décider pour ce roman. Le contexte m’attire mais ce côté un peu militant désespéré me freine un peu je t’avoue. A voir…
Je comprends qu’il puisse te freiner, c’est quelque chose que je partage assez avec l’auteur mais ça peut effectivement refroidir.
Mmm, le sujet ne m’attire pas trop.
Alors, il ne faut surtout pas te forcer !