Une nuit d’hiver, le commissaire Maigret est réveillé par l’appel d’un collègue du XVIème arrondissement. Le corps d’un homme a été découvert au bois de Boulogne. Mais le meurtre a eu lieu ailleurs, le corps a été déplacé. Et le plus surprenant, c’est que l’homme a été défiguré par son agresseur. Maigret reconnaît rapidement la victime. Il s’agit d’Honoré Cuendet, un cambrioleur à l’ancienne que le commissaire rencontra à plusieurs reprises. Mais Maigret n’est pas censé s’occuper de cette affaire. Il n’est pas dans sa juridiction, le substitut du procureur et le juge le lui font bien comprendre. D’ailleurs, il s’agit pour eux d’une agression sans importance. Une autre affaire requiert pour eux les talents du commissaire : une série de hold-up dont les coupables n’ont toujours pas été appréhendés. Maigret voit bien entendu les choses différemment et décide de mener l’enquête sur l’assassinat d’Honoré Cuendet.
Dans ce roman, écrit en 1961, le commissaire Maigret est à deux ans de la retraite et devant un monde policier et judiciaire en pleine mutation, il est presque soulagé de devoir se retirer : « Un petit coup de cafard, en passant. Plus exactement de la nostalgie, sa femme le savait, sachant aussi que cela ne durait jamais longtemps. A ces moments-là, d’ailleurs, il s’effrayait moins de la retraite qui l’attendait dans deux ans. Le monde changeait, Paris changeait, tout changeait, hommes et méthodes. Sans cette retraite, qui lui apparaissait parfois comme un épouvantail, ne se sentirait-il pas dépaysé dans un univers qu’il ne comprenait plus ? » C’est donc un Maigret désabusé, un brin amer, qui mène l’enquête dans ce volume. C’est le moment où le Parquet prend le pas sur les policiers, leur laissant moins de latitude. Les flics de terrain, à l’ancienne comme Maigret ou Fumel du XVIème arrondissement, sont passés de mode. Leur instinct, leurs connaissances des hommes et de la ville semblent tout à coup dépassés. Et le changement est également visible dans les deux enquêtes en cours. Le Parquet s’intéresse aux hold-up, au monde de la finance et des banques qu’il faut protéger et pas à Honoré Cuendet, voleur solitaire et dilettant. Le cœur même du travail de Maigret est l’humain, l’attention aux petites gens, ici visibles dans de belles scènes rue Mouffetard avec la mère d’Honoré.
La grande force de Simenon est sa façon de créer des ambiances, des atmosphères. Ici, nous sommes plongés dès les premières pages dans un Paris glacial, feutré, vide et éclairé par une lumière hivernale blafarde et sans nuances : « En écartant le rideau, il découvrit les fleurs de givre sur les vitres. Les becs à gaz avaient une luminosité spéciale qu’on ne leur voit que par les grands froids et il n’y avait pas une âme boulevard Richard-Lenoir, pas un bruit, une seule fenêtre éclairée, en face, sans doute dans une chambre de malade. »
C’est le visionnage de la nouvelle adaptation des enquêtes de Maigret par la chaîne anglaise ITV (avec Rowan Atkinson qui incarne merveilleusement bien notre célèbre commissaire) qui nous a donné, à Claire et moi, envie de relire les romans originaux. J’y ai retrouvé ce que j’ai toujours apprécié chez Simenon : l’étude de l’âme humaine et le sens de l’atmosphère.
C’est ce que j’ai aimé aussi dans « Le bourgmestre de Furnes » lu à l’occasion du mois belge.
Il faudrait lire plus souvent Simenon, son univers vaut vraiment le détour et pas seulement les Maigret d’ailleurs.
Des années que je n’ai plus lu un Maigret !
J’étais dans le même cas et je me dis qu’il faudrait en lire un de temps en temps comme les Agatha Christie.
Tout lu les Poirot… lu assez bien de Maigret mais pas trop envie de m’y remettre car j’ai trop d’autres à lire dans ma PAL !
Je n’ai même jamais lu un Maigret, mais ton billet me donne vraiment envie de remédier à cette lacune !
Je pense que toutes les enquêtes ne sont pas du même niveau mais tu as au moins l’atmosphère et l’humanité du personnage.
Je n’ai jamais lu Simenon, mais j’avais regardé toute la série des Maigret avec Bruno Cremer (Jean Richard ne m’avait jamais convaincue). Alors Rowan Atkinson dans ce rôle, je suis curieuse de voir ça. (Et accessoirement, lire Simenon.)
La performance de Bruno Cremer était beaucoup plus convaincante que celle de Jean Richard. Et comme toi, je me demandais ce que Rowan Atkinson pouvait donner dans le rôle. C’est un autre style mais je l’ai trouvé vraiment intéressant.