Mathilda est installée au volant de sa voiture après une soirée au Zanzi Bar. Au son de la voix de Melody Garbot, Mathilda se déshabille. Elle redevient Laurent, marié à Solange et père de deux enfants. Sans se l’avouer, depuis toujours, Laurent se sent étranger à son corps. Mais ce dernier a fini par se rebeller. Laurent était perclus de douleurs inexpliquées. Pour se soulager, il se met à faire du sport, du vélo à haute dose. « Il reprenait son corps en main, les effets étaient grisants. Muscles affinés, peau tendre et surtout jambes épilées. Quand Solange l’avait vu sortir de la salle de bains les jambes rasées, elle l’avait regardé, éberlué. Il avait justifié son geste par la prise au vent – oui, même en salle, avait-il ajouté, et la transpiration se répartit mieux, tu sais. C’est comme ça, dans la famille des cyclistes. Elle s’était gentiment moquée de lui, il n’y avait prêté aucune attention. Maintenant, il ne se rase plus, il s’épile à la cire. Ses molettes luisants et lisses lui procurent, quand il se caresse, une sensation de plaisir indéfinissable, une vague chaude qui le plonge au plus profond de son enfance, quand tout lui semblait encore possible. » L’évidence s’impose petit à petit à Laurent : il est une femme. Mais, son être véritable vit encore dans la clandestinité et derrière les murs du Zanzi Bar. un jour, Solange découvre un long cheveu blond sur Laurent. Elles s’imagine qu’il la trompe, le suit et découvre l’existence de Mathilda.
Léonor de Récondo s’est attaquée à un sujet délicat et risqué. Mais son écriture limpide, sa subtilité à étudier les réactions des uns et des autres font de ce roman une réussite. Les mots accompagnent la mue de Laurent. Léonor de Récondo instaure un jeu subtil entre les pronoms personnels masculin et féminin. Ce jeu entre les deux personnalités de Laurent ouvre d’ailleurs le roman de façon remarquable avec cette scène de dépouillement dans la voiture.
Laurent est un personnage complexe. Il a la certitude absolue d’être une femme et sa détermination s’exprime clairement. Mais il souhaite également continuer à être un père et il ne semble pas vouloir perdre Solange. Une fois la décision prise d’être véritablement une femme, Laurent ne se cache plus, il assume totalement sa transformation et il pense que l’évidence va s’imposer à tous naturellement. Et ce qui est intéressant dans le roman de Léonor de Récondo, c’est qu’elle n’oublie pas l’entourage de Laurent. Son évidence à être une femme est une violence inouïe pour sa femme, ses deux enfants et ses collègues. L’auteure saisit chaque mouvement de l’âme : l’incompréhension, la colère, le rejet, la compassion. Elle réussit à rendre toute la complexité d’une telle situation.
Le corps est encore une fois au cœur du roman de Léonor de Récondo comme dans « Pietra viva » et « Amours ». Le corps impose ses désirs avec force, bouleversant tout sur son passage. La plume limpide de l’auteure rend compte des émotions de chacun et ne cache rien de la violence pour chacun que représente la renaissance de Laurent. Un livre sobre, lumineux sur ce problème d’identité si délicat.
Je ne le sens pas vraiment …. Le sujet est un poil trop à la mode …
C’est vrai que c’est un thème d’actualité mais je le trouve particulièrement bien traité. Et il permet aussi de montrer la violence que représente une telle décision pour les proches.
Un très beau roman !
Oui, un magnifique roman, je ne suis jamais déçue avec cette auteure.
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