Hiver de Fanny Ducassé

Hiver est une petite fille qui vit seule avec son père dans un château glacé recouvert de mascarpone. Sa mère mourut le jour de sa naissance et elle lui laissa un coussin brodé et un coffre fermé à clef. Elle ne pourra l’ouvrir que le jour de ses douze ans. En attendant cette date, Hiver reste dans le château silencieux où son père, profondément triste, se transforme peu à peu en ours polaire.

De Fanny Ducassé, j’avais déjà eu le plaisir de lire « Rosalie et le langage des plantes » et « Un automne avec M. Henri ». « Hiver » est un récit d’apprentissage en forme de conte où une petite fille de douze ans va enfin découvrir le monde extérieur. L’histoire est infiniment poétique et originale : le nom des personnages (la marraine d’Hiver se nomme Rubis), le château recouvert de mascarpone, etc… Les dessins se déclinent en rouge et blanc et sont absolument splendides. Les détails foisonnent, même les encadrements des textes sont fins et délicats.

Le nouvel album de Fanny Ducassé est un enchantement visuel et l’histoire d’Hiver est touchante et pleine de charme.

Les effacées de Marine Carteron

Suite à une sortie scolaire au musée d’Orsay, Joséphine se retrouve enfermée dans un placard à balais. La jeune fille est harcelée depuis des mois par un groupe de garçons. Quand Joséphine réussit à sortir, la nuit est tombée et elle n’en revient pas d’avoir été oubliée par tous. Elle commence à errer dans les salles du musée et s’arrête devant « L’origine du monde » de Gustave Courbet. C’est là qu’elle est interpellée par une voix, celle de Virginie qui émane de « L’homme blessé », également peint par Courbet. Elle fut la compagne du peintre et était présente dans le tableau. Mais suite à leur séparation, Courbet décida de l’effacer. Virginie raconte à Joséphine sa vie et celles d’autres femmes victimes des repentirs du peintre, ou oubliées comme le modèle de « L’origine du monde ». 

« Les effacées » est un formidable roman qui fait dialoguer deux jeunes femmes dont les destinées entre en résonnance malgré  les années qui les séparent. Leur rencontre met en lumière la place des femmes, la domination masculine, l’importance du consentement. L’histoire de Joséphine et celle de Virginie s’entremêlent avec intelligence et habileté.

Le propos féministe lié à une plongée dans l’œuvre de Gustave Courbet font des « Effacées » un roman captivant qui donne envie de parcourir les allées du musée d’Orsay à la recherche de celles qui ont été invisibilisées. (Dans « L’atelier du peintre », Jeanne Duval, la compagne de Baudelaire réapparaît comme un fantôme dans la toile). Le roman de Marine Carteron est très joliment illustré par Mathilde Foignet. 

Francoeur, à nous la vie d’artistes ! de Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail

En 2019, Hélène et Constance Dacieux font l’acquisition du château d’Apresort qui fut la demeure de l’écrivain Francoeur, née Anna Dupin, de 1852 à sa mort en 1910. En rénovant le château, elles trouvèrent des lettres inédites, une correspondance entre Francoeur et une jeune admiratrice. Dans ses lettres, Anna revient sur sa vie : son enfance heureuse dans le Berry avec ses frères jumeaux, Isidore et Marceau, qui prit fin au décès de leur mère en couches, sa vie de bohème pauvre à Paris où s’installa son père, peintre rêvant de participer au Salon. Elle y décrit ses difficultés à s’affirmer en tant qu’écrivain, celles de ses frères eux aussi artistes, les temps troublés, les affrontements dans Paris et son engagement politique mais aussi ses rêves de jeune fille en quête d’amour.

« Francoeur », écrit à quatre mains par Marie-Aude Murail et sa fille Constance Robert-Murail, est une formidable fresque historique et familiale. La vie d’Anna Dupin et de ses frères et sœur (je vous laisse le plaisir de découvrir le destin singulier de la flamboyante et fantasque Olympia) est captivante et semée de péripéties. Les autrices nous plongent dans le Paris de la génération romantique, celui de la révolution de 1848, des barricades, de la fin du règne de Louis Philippe et de la proclamation de la République par Lamartine. Elles décrivent également l’apprentissage de la vie d’artistes : les salons pour Isidore, l’écriture dans la presse pour Anna et Marceau et les difficultés pour une femme d’être reconnue. Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail s’inspirent de George Sand, Rosa Bonheur ou Sarah Bernhardt pour inventer des personnages immédiatement attachants que l’on suit avec bonheur au fil des pages.

« Francoeur, à nous la vie d’artiste » est un roman qui se dévore tant la vie de la famille Dupin est trépidante. J’ai vraiment hâte de découvrir le deuxième volume.

Les enfants du chemin de fer d’Edith Nesbit

« Au commencement, Roberta, Peter et Phyllis n’avaient aucun intérêt particulier pour le chemin de fer. Ce n’était à leurs yeux qu’un moyen de transport pour se rendre à Londres et assister à des spectacles de magie, admirer les animaux du jardin zoologique ou visiter le musée de Madame Tussaud. » Les trois enfants vivent paisiblement dans la banlieue de Londres avec leurs parents. Leur vie va être bouleversée lorsque deux hommes débarquent un soir chez eux et emmènent leur père. Leur mère, souhaitant les protéger, ne leur explique pas la raison du départ de leur père. Mais rapidement, les finances de la famille chutent. La mère écrit des histoires sans que cela soit suffisant pour les faire vivre. Ils doivent quitter Londres pour la campagne du Yorkshire. Les enfants s’habituent à leur nouvelle vie notamment grâce au chemin de fer et à ses salariés chaleureux et accueillants.

« Les enfants du chemin de fer » est un classique de la littérature jeunesse anglaise qui date de 1906 et il est publié pour la première fois en français. Il a été adapté à plusieurs reprises pour le cinéma ou la télévision. Roberta, Peter et Phyllis vont vivre de nombreuses aventures et vont se montrer extrêmement ingénieux et courageux (pour prévenir le conducteur d’un train d’un éboulement sur les voies ou pour sauver un enfant d’un départ de feu). Ce sont aussi des enfants ordinaires qui se chamaillent et font des bêtises même s’ils essaient de se comporter le mieux possible pour soulager leur mère. Inutile de vous dire que ces trois-là sont très attachants et qu’il est bien difficile de les quitter.

De l’aventure, du suspens, de l’émotion, de l’amitié, de l’humour, de la tendresse, voilà les ingrédients qui rendent « Les enfants du chemin de fer » précieux et intemporel.

 Traduction Amélie Sarn

King Winter’s birthday de Jonathan Freedland et Emily Sutton

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C’est l’anniversaire du roi Hiver et il souhaite organiser une fête spéciale. Il veut faire venir ses frères et ses sœurs : la reine Printemps, le roi Eté et la reine Automne. Le roi Hiver se souvient avec émotion des moments passés ensemble durant l’enfance et il est enchanté d’accueillir sa famille dans son palais. Mais pendant que la fratrie festoie, de drôles d’évènements se déroulent dehors. La nature est déboussolée.

« King Winter’s birthday » est un très joli conte qui met en avant le respect de la nature, du rythme des saisons. En prenant connaissance de l’origine de cette histoire, on peut y voir d’autres thématiques. Jonathan Freedland s’est inspiré d’un texte écrit par Ullrich Alexander Boschwitz, un juif allemand qui fut interné dans un camp sur l’île de Man en 1939. C’est là qu’il rédigea ce conte. « King Winter’s birthday » peut alors être lu comme un retour à l’ordre normal des choses après une période chaotique. Le texte évoque aussi le fait d’être séparé de ses proches et de les retrouver dans ses souvenirs. Le contexte historique de son écriture rend ce conte particulièrement émouvant. Il est sublimé par les splendides dessins d’Emily Sutton, l’une de mes illustratrices favorites. Les illustrations sont lumineuses, colorées et regorgent de détails.

Un véritable régal que cet album aussi bien pour sa beauté formelle que pour sa touchante histoire.

Le pull de Noël de Cecilia Heikikilä/Comment le père Noël descend de la cheminée de Mac Barnett et Jon Klassen

En cette veille de Noël, je vous propose deux albums jeunesse. Le premier est signé de l’illustratrice suédoise Cecilia Heikkilä. Le chat Fransson part se promener dans la ville pour se réchauffer. Les trottoirs sont recouverts d’une épaisse couche de neige mais heureusement notre petit félin porte un pull en laine bien chaud. La ville est en fête et Fransson croise des habitants en quête de cadeaux, une chorale de souris, le boulanger qui prépare des bretzels à la cannelle. Ce qu’il n’a pas vu, c’est qu’au fur et à mesure de sa balade, son pull s’est tout détricoté ! Comment va-t-il pouvoir survivre au froid ? Cet album nous plonge dans l’atmosphère de Noël avec de très jolies illustrations dans des tons sourds et ce fil de laine rouge qui parcourt chaque page. L’histoire est très tendre, chaleureuse et réconfortante. Et pour les amoureux des livres, elle s’achève dans une librairie !

Grâce à mon amie Emjy, j’ai découvert « Comment le Père Noël descend dans la cheminée » de l’américain Mac Barnett qui pose sans son album la question la plus importante de Noël. Elle en entraine d’autres : est-ce que le Père Noël rétrécit pour passer sans encombre dans la cheminée ? Est-ce qu’il salit son beau costume avec la suie ? Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de cheminée ? Cet album est vraiment très amusant, plein de malice et de fantaisie. Ce livre est un excellent moyen d’attendre et de guetter la venue du Père Noël. 

Alma, la liberté de Timothée de Fombelle

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« Il est sept heures du matin, le 12 juillet 1789. C’est un des premiers dimanches de l’été. En bas, la ville a l’air en embuscade. Rien ne bouge. Le fond des rues s’efface entre les immeubles. Seuls des cordons de fumée montent avec les odeurs de lessive ou de pain chaud. » C’est à Paris que nous retrouvons Alma, Joseph Mars et Sirim. Bientôt, nos trois amis vont se retrouver au cœur d’événements qui vont bouleverser l’Histoire de la France. Mais Alma veut toujours traverser l’Atlantique pour retrouver son frère Lam, alors que Joseph espère encore trouver son trésor. Loin de là, à St Domingue, Amélie Bassac reprend les plantations de Terres Rouges pour sauver l’honneur et les finances de sa famille. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que l’infâme Saint Ange manigance un plan pour récupérer ses terres et se rapprocher d’elle.

La trilogie de Timothée de Fombelle touche à sa fin et le troisième  tome est tout aussi réussi que les deux premiers. Il nous plonge au cœur de la Révolution avec la prise de la Bastille que nous vivons de l’intérieur ou la fuite à Varennes du roi et de sa famille. De l’autre côté de l’Atlantique, une autre révolte nous attend : celle des esclaves de St Domingue. Ce tome 3 est donc riche en événements historiques mais également en rebondissements pour nos héros. Encore une fois, Timothée de Fombelle mélange à merveille ces deux niveaux de péripéties et nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. Quelle tristesse de quitter Alma et ses proches auxquels nous nous sommes attachés durant trois tomes superbement écrits et construits. Et il ne faut pas oublier de souligner le travail de François Place qui parsème le roman de ses formidables illustrations.

J’ai fermé ce troisième tome à regret tant cette trilogie m’aura procurée d’émotions et de plaisir de lecture.

Le jardin de minuit de Edith

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Tom doit aller s’installer chez sa tante et son oncle en attendant que son petite frère Peter guérisse de la rougeole. Pas de cousin ou de cousine pour le divertir, Tom doit en plus rester confiner le temps de savoir s’il est également malade. Il tourne en rond dans la maison et la nuit il n’arrive pas à dormir. C’est ainsi qu’il entend la grande horloge de l’entrée sonner treize coups. Tom descend pour voir et découvre, par la porte arrière de la maison, un incroyable jardin. La nuit suivante, le jeune garçon retourne vérifier l’existence du jardin dont aucune trace ne subsiste durant la journée. Une nuit, il rencontre une petite fille du même âge que lui prénommée Hatty mais ses vêtements semblent provenir d’une autre époque.

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Edith, qui a déjà réalisé une très jolie adaptation des « Hauts de Hurlevent », a ici choisi un autre classique de la littérature anglaise : « Tom’s midnight garden » de Philippa Pearce. Je n’ai pas encore eu le plaisir de découvrir le roman mais la bande-dessinée d’Edith m’a beaucoup plu. L’aventure de Tom évoque d’autres classiques de la littérature jeunesse : « Le jardin secret » de F.H. Burnett et « Alice au pays des merveilles » de Lewis Caroll. La magnificence du jardin, qui devient un refuge pour Tom, rappelle le premier tandis que le côté fantastique fait penser au second. Cette histoire entre Tom et Hatty est une merveilleuse évocation de l’enfance, de ses jeux mais aussi du passage à l’âge adulte. Edith met le roman très  joliment en images, avec des dessins plein de tendresse, des couleurs qui marquent bien la différence entre la vie diurne et le vie nocturne de Tom.

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« Le jardin de minuit » est une ravissante bande dessinée où se mêle rêve, souvenir, réalité et qui donne très envie de lire le romand e Philippa Pearce.

The little books of the little Brontës de Sara O’Leary et Briony May Smith

« The little books of the little Brontës », traduit en français sous le titre « Au pays des histoires », retrace l’enfance des quatre enfants Brontë : Charlotte, Branwell, Emily et Anne. J’ai toujours été fascinée par cette fratrie et leur incroyable imaginaire qui est parfaitement mis en avant dans cet album destiné à la jeunesse.

Les enfants Brontë développent très tôt un goût immodéré pour la lecture. La famille vit de façon isolée entre la lande et Haworth ce qui contribue certainement à leur envie de s’évader dans la fiction. La mort de leurs deux sœurs aînées et de leur mère est également un facteur décisif. Ils créent leurs propres livres miniatures avec les moyens du bord, les chutes de papier-peint servent de couverture. Et les enfants s’offraient leurs histoires. Ils créent des royaumes imaginaires (Gondal et Angria) où évoluent des personnages héroïques et flamboyants. Un véritable refuge qu’ils ne quittèrent jamais réellement.

Ce que j’ai trouvé très beau dans cet album, c’est le choix de Sara O’Leary d’imaginer une enfance plutôt heureuse grâce aux livres et au lien fort qui liait les quatre enfants. Le texte, comme les dessins de Briony May Smith, est d’une grande douceur, d’une grande délicatesse et l’on sent beaucoup d’admiration et de tendresse envers les enfants Brontë.

« The little books of the little Brontës » est un très joli album qui rend hommage à la famille Brontë, à la lecture et à la force de l’imaginaire. Un album plein de charme que je suis ravie d’avoir ajouté à mes livres consacrés à la famille Brontë.

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Juliette Pommerol chez les angliches de Valentine Goby

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Après avoir du rentrer en urgence de classe de neige car ses parents lui manquaient terriblement, Juliette Pommerol est la risée de la cour d’école. Alors quand Flavie se vante de partir en Angleterre pendant l’été dans une famille d’accueil, Juliette se précipite à la mairie pour remplir le formulaire lui permettant de faire de même. C’est ainsi qu’en juillet, Juliette prend l’eurostar pour Londres où elle sera accueillie par la famille Littlestone. « A l’intérieur, je me sentais comme un funambule débutant face au vide. L’Angleterre toute seule pendant deux semaines, c’était le gouffre sous mes pieds. Seulement je devais partir, je l’avais voulu, désormais, mon honneur en dépendait. » Heureusement ses onze peluches ont fait le voyage avec elle.

La couverture pop et colorée de ce roman jeunesse donne bien le ton de son intrigue : pétillante, joyeuse et tendre. Juliette, très attachée à sa famille, s’est lancée un défit de taille, d’autant plus que l’anglais n’est pas son point fort à l’école. Elle va découvrir de nouvelles habitudes culinaires, la ville de Londres au pas de course et même le camping dans les Highlands et ses terribles midges (ça lui apprendra à mentir sur le formulaire de la mairie). Le choc des cultures est vraiment amusant à lire. 

« Juliette Pommerol chez les Angliches » est un roman charmant, malicieux où notre jeune héroïne va franchir un pas important vers l’âge adulte. 

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