Au temps du roi Edouard de Vita Sackville-West

Nous sommes en 1905, le roi Édouard, fils de Victoria et d’Albert, est sur le trône d’Angleterre depuis quelques années. Sébastien a 19 ans, étudie à Oxford et est le cinquième duc de Chevron. Il s’ennuie parmi ses pairs durant les week-ends où sa mère invite. Sébastien est viscéralement attaché à sa terre, son domaine mais il préfèrerait s’épargner les mondanités inhérentes à son rang. Lors d’un de ces week-ends, il fait la connaissance de Léonard Anquetil, un aventurier revenant du pôle Nord. Celui-ci apprécie le jeune homme et tente de le sauver de son destin tout tracé : « (…) Vous ne vous demandez jamais pourquoi vous suivez telle ligne de conduite ; vous la suivrez parce que c’est ce qui est admis. Croyez-moi, c’est la passé qui est responsable de tout cela, l’héritage, la tradition, l’éducation, votre nurse, votre père, votre précepteur, votre école, Chevron, vos ancêtres, toute la gamme. Vous êtes condamné d’avance, mon pauvre Sébastien, vous êtes perdu. » Il lui propose alors de le suivre lors de sa prochaine expédition. Sébastien refuse pour des raisons sentimentales. Il va devenir l’amant de Sylvia, Lady Roehampton, une amie de sa mère. Son destin aristocratique commence à ce moment et la prédiction d’Anquetil semble s’accomplir.

« Sébastien se trouvait au milieu d’un ordre de choses qui, pour un esprit de 1905, était immuable. Pourquoi changeraient-elles, puisqu’elles n’avaient jamais changé ? » L’excellent roman de Vita Sackville-West nous montre justement un monde en mutation, entre deux époques. L’époque victorienne s’est terminée, l’atmosphère peut se détendre mais la première Guerre Mondiale n’est pas loin.  A beaucoup d’égards, « Au temps du roi Édouard » m’a fait penser à la série de Julian Fellowes « Downton Abbey ». L’aristocratie se complait dans ses traditions, dans son luxe, dans son snobisme. Les terres héréditaires et les domestiques aussi. Mais les habitudes changent imperceptiblement comme par exemple le fils de Wickenden, l’intendant de Chevron, qui veut devenir mécanicien au lieu de succéder à son père. Ou Viola, la sœur de Sébastien, qui veut s’émanciper et vivre seule à Londres (elle fait penser à la Sybil de « Downton Abbey »). Les mœurs deviennent décadentes derrière la façade lisse. Tout le monde connaît les amants des autres mais rien ne se dévoile au grand jour. C’est ce que ne comprend pas Sébastien, il faut sauvegarder les apparences, éviter le scandale quitte à sacrifier son amour. Après Sylvia, Sébastien se grisera à séduire d’autres femmes, rejoindra la garde royale, s’étourdira dans des réceptions et regrettera amèrement de n’avoir pas suivi Anquetil.

« Au temps du roi Edouard » est, avec « Toute passion abolie », mon roman préféré de Vita Sackville-West. Elle ressuscite ce monde d’avant la première Guerre Mondiale, avec une plume élégante et sarcastique. Ce monde aristocratique sur le point de disparaître fut admirablement peint par John Sargent dont j’admire l’œuvre et qui est cité plusieurs fois dans le roman (Eliza en parle également dans son beau billet sur ce même roman). C’est toujours un immense plaisir de retrouver cette grande romancière.

Un livre lu avec ma copine Lou.

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28 réflexions sur “Au temps du roi Edouard de Vita Sackville-West

    • Tu fais bien de l’avoir dans le collimateur, il le vaut bien ! Vita Sackville-West est une grande romancière que nous pouvons enfin découvrir en France.

    • Et je te conseille chaudement celui-ci. C’est coup de coeur aussi pour Lou et je sais que nous avons beaucoup de goût en commun toutes les trois.

  1. Je plussoie, nous avons eu un grand coup de coeur commun pour ce livre !
    L’exemple que tu cites du fils du charpentier qui n’a pas envie de prendre la relève comme cela s’est fait traditionnellement depuis des générations est très bien choisi aussi, il m’avait aussi marquée.
    Ce qui est bien c’est que nos billets se complètent, on est d’accord sur le fond mais on met l’accent sur des aspects différents… c’est parfait 🙂 Bon dimanche, bisous !

    • Oui c’est un vrai coup de cœur et Vita nous a habitué à l’excellence. Celui-ci est vraiment un régal. C’est vrai que j’ai beaucoup insisté sur le changement d’ère et c’est aussi ce qui m’avait intéressé dans « Downton abbey ». C’est toujours bien de voir les différents éclairages sur un même livre, c’est le grand intérêt des lectures communes. On ne retient jamais tout à fait la même chose.

    • Je plussoie bien entendu ! Quel talent Vita ! Il me reste à lire « Dark island » et « Infidélités ». Je croise les doigts pour que les sorties continuent !

  2. Je l’ai lu il n’y a pas longtemps et j’ai beaucoup aimé ma découverte de Vita Sackville-West ! Je vais en lire d’autres, c’est certain.

  3. J’avais noté le nom de l’auteur en lisant une bio de Virginia Woolf mais je ne savais pas vraiment par quel livre commencer, je crois que je vais choisir celui-ci 🙂

  4. J’ai été moi aussi séduite dès les premières lignes. Effectivement, nos avis se rejoignent sur cette impression de monde finissant et ces changements qui s’amorcent.. Je compte bien découvrir d’autres livres de VSW (et il faut que je continue Downton Abbey)

    • Pour le moment, j’ai aimé tous les livres de Vita, c’est vraiment bien qu’elle soit autant rééditée. Et je ne me lasse pas de Downton Abbey, quel régal cette série !

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