« Mais tout est peut-être simple, en réalité. Peut-être cela le sera-t-il plus encore après ma mort. Et je vais mourir bientôt. Alors, ce sera comme si tout ce que j’ai vu et ressenti n’avait pas eu lieu, ou avait eu lieu de la même façon qu’un petit oiseau bat des ailes par un jour sans vent dans le ciel immense. Ils veulent faire en sorte que ce qui s’est produit vive à tout jamais. C’est ce qu’ils m’ont dit. Ce qu’ils écrivent en ce moment me disent-ils, va changer le monde. » Et l’histoire que les deux hommes, qui protègent (ou gardent – la frontière entre les deux est floue) la narratrice, n’est pas ordinaire. Il s’agit de celle du fils de Dieu, de Jésus. Et la femme qui va bientôt mourir et dont nous lisons les derniers mots est bien Marie.
Pas étonnant que le texte de Colm Toibin, qui fut en 2012 une pièce de théâtre, ait fait scandale lorsqu’il fut monté à Broadway. Car sous sa plume, Marie a perdu sa sainteté. C’est une femme, une mère ordinaire qui a vu son fils devenir une sorte de gourou et proférer d’étranges paroles à ses disciples. Des choses extraordinaires lui furent rapportées : qu’il avait guéri un paralytique, qu’il avait marché sur l’eau ou encore qu’il avait ressuscité Lazare. Mais Marie n’était pas là, ce sont des personnes qui lui racontèrent ses évènements. La vieille femme se moque de ce qu’on lui rapporte, ce qui l’inquiète est le sort de son fils. Ce dernier est surveillé, il trouble l’ordre public. Et c’est comme une mère que Marie réagit en essayant de l’engager à fuir avec elle lors des noces de Cana. C’est également par le regard d’une mère pétrifiée que nous assistons à la crucifixion. Une scène de torture, de douleur nous est racontée et non celle magnifiée du Nouveau Testament. Et dans la foule, une mère regarde son fils agoniser et elle repense à son enfant, son bébé et aux moments heureux qu’ils vécurent ensemble avant, qu’adulte, il ne lui échappe.
L’auteur irlandais nous montre l’humanité derrière le mythe et la manière dont celui-ci se construit. Les hommes, qui sont aux côtés de Marie dans ses derniers jours, ne sont pas là pour recueillir son témoignage mais pour réinterpréter ce qu’elle a vécu. Ils incorporent également ses rêves à leur récit, à ce qui restera lorsque les témoins ne pourront plus rétablir la vérité.
Le court texte de Colm Toibin est véritablement poignant, le témoignage de Marie est douloureux et se présente à nous comme une litanie, un chant d’adieu à son fils disparu.
Merci aux éditions Robert-Laffont pour cette lecture.
Non, je passerai mon tour 😉
Oui, je ne suis pas sûre que tu aimerais.
Et puis, vu ce que j’ai à lire !! Là, je m’entraine pour le mois anglais que tu n’organises plus, mais je ne voudrais pas faillir à ma tâche et faire moins qu’avec toi !! mhouhahhaa
J’en avais déjà entendu du bien, et je suis désormais doublement convaincue. C’est tout à fait mon genre d’ouvrage (un événement, une histoire raconté du point de vue de(s) la femme(s) et non des hommes), du coup je le fais grimper dans ma wishlist.
Merci pour ton retour 🙂
C’est vrai que la voix de Marie n’existait pas, c’est vraiment une idée intéressante, j’espère que tu aimeras.
Ça ne me tente pas du tout. Pour une fois, je ne note pas, c’est bien aussi de temps en temps 😀
Heureusement que tu ne notes pas tout ce que tu vois sur les blogs sinon tu ne sortirais plus d echez toi !!!
J’ai aimé comme l’auteur s’est mis à la place de Marie, sans anachronisme, on a l’impression qu’une femme de l’époque, dans cette situation, aurait vraiment pensé de cette marnière !
Je trouve aussi que le discours est très réaliste. C’est vraiment la réaction d’une mère fasse au terrible destin de son fils.
Je ne savais pas qu’au départ c’était une pièce de théâtre. J’ai beaucoup aimé ce texte aussi
Et bien évidemment elle avait fait scandale puisque Marie n’y est pas sainte.
J’ai beaucoup aimé !
Je me souviens de ton billet qui lui n’avait pas plusieurs mois de retard…
Mieux vaut tard que jamais 😉
Oh, cette vision de Marie me tente beaucoup ! Merci de m’avoir fait découvrir ce livre.
De rien, j’espère que tu apprécieras.
Pas franchement tenté mais j’admire la façon dont l’auteur s’est emparé du sujet.
Si ça n’avait pas été Colm Toibin, je ne suis pas sûre que j’aurais été tentée. Mais un grand auteur irlandais qui s’empare d’un tel sujet, il y avait de quoi titiller ma curiosité !
Je suis très intriguée par ce court roman.
J’étais moi aussi très curieuse de voir ce qu’il allait faire d’un tel sujet.
J’ai beaucoup aimé cette lecture également, j’ai bien aimé ce portrait de femme, sans sa sainteté justement.
Une femme tout simplement humaine qui souffre de voir son fils lui échapper totalement.