C’est à Garden Heights dans l’Ohio que résident Kat et ses parents. Eve, la mère, semble être une parfaite femme d’intérieur, la maison est toujours impeccablement entretenue, les repas sont servis à l’heure, le congélateur est plein de victuailles. Mais Eve est distante, froide, cassante avec sa fille. Et un matin d’hiver, elle part pour toujours, pour ne pas se dissoudre entièrement dans sa vie de femme au foyer. « En vérité, ma mère a disparu vingt ans avant le jour où elle est réellement partie. Elle s’est installée dans la banlieue avec un mari. Elle a eu un enfant. Elle a vieilli un peu plus chaque jour de cette façon qu’ont les épouses et les mères d’âge moyen d’être de moins en moins visibles à l’œil nu. Vous levez peut-être les yeux de votre magazine quand elle entre dans la salle d’attente du dentiste, mais elle est en fait transparente. » C’est d’ailleurs un peu la réaction de Kat à l’annonce de la disparition de sa mère, elle ne ressent aucune tristesse, aucune inquiétude. Et pourtant, au fil des hivers, le fantôme de sa mère continue de la hanter.
Laura Kasischke est, pour moi, l’une des voix les plus intéressantes et intrigantes de la littérature américaine contemporaine. J’apprécie la manière dont elle déconstruit le rêve américain. Nous sommes ici dans les fameuses banlieues résidentielles, uniformes et parfaites jusqu’à la nausée. La famille idéale de Kat n’est qu’apparences. Eve s’ennuie profondément, son mari est trop ordinaire et prévisible, sa fille est trop grosse. L’harmonie n’existe pas ; la famille, socle de l’Amérique, est le terreau de toutes les névroses. La relation d’Eve avec Kat n’est faite que de railleries, de mépris, elle n’est pas la fille qu’elle aurait aimé avoir.
Il y a un malaise très puissant entre cette mère encore séduisante et cette adolescente qui découvre sa sensualité et sa sexualité. Il y a également un malaise de la part du lecteur dû à l’étonnant manque de réaction de Kat à la disparition de sa mère. Sa vie continue comme si de rien n’était, elle fréquente son petit ami, part à l’université et semble à distance de l’évènement. Ce malaise, présent à différents niveaux et persistant durant tout le roman, est la grande force de Laura Kasischke. Elle le distille entre les lignes dans un quotidien qui semble parfaitement ordinaire. L’épée de Damoclès du drame, du tragique plane sur la vie de Kat et ce n’est que dans les toutes dernières pages qu’on le découvre réellement. Laura Kasischke développe tout au long de son roman la thématique de la perfection, de la pureté au travers de la couleur blanc. Mais c’est aussi la couleur de la glace et c’est bien ce qui arrive au lecteur de ce roman lorsqu’il l’achève : il est totalement glacé par ce qu’il découvre.
« Un oiseau blanc dans le blizzard » montre encore une fois la grande maîtrise de Laura Kasischke et son talent incomparable à plonger ses personnages et son lecteur dans une atmosphère de malaise.
J’en ai lu un autre de cet auteur, et j’ai un peu peur que ce soit répétitif. Les thèmes sont toujours un peu les mêmes et mon expérience la première fois n’avait pas été si bonne que cela. Je verrai si je le croise à la bibliothèque 😉
Celui-ci se rapproche de « esprit d’hiver » mais les autres romans me semblent aborder des thématiques bien différentes. Mais je sais que ses livres ne font pas l’unanimité et tu n’es pas la seule à ne pas être emballée.
Billet tentateur héhé ! Déjà lu 2 de ses romans, je note ce dernier (même si au final je n’ai gardé qu’un souvenir bien flou de ces lectures)
Si tu as un souvenir flou, il faut que tu retentes avec un autre roman ! 😉
Je l’ai lu cet été, et heureusement qu’il faisait chaud par ailleurs, car c’est vrai que ce roman est glaçant !! Hyper maîtrisé.
C’est vraiment le terme qui convient (pour différentes raisons d’ailleurs…) pour définir ce roman. La fin fait vraiment froid dans le dos…
Je ne lis plus Kasischke, elle m’a trop souvent déçu alors malgré ton enthousiasme, je passe 😉
J’ai l’impression que c’est tout l’un ou tout l’autre avec Laura Kasischke, je ne croise que des gens qui adorent ou détestent. Au moins, elle ne laisse pas indifférent !
Je n’ai lu qu’un seul roman de cette auteure et j’aimerais vraiment en découvrir d’autres! Merci pour cet article, je note le titre dans un coin de ma tête!
Et si tu n’as pas lu « Esprit d’hiver », je te le conseille également.
C’est celui que j’ai lu! J’avais beaucoup aimé !
Je te comprends, c’est mon préféré pour le moment !
J’avais eu un coup de coeur pour ce roman, ma découverte de cette auteure et tu en parles vraiment bien, surtout pour la fin glaçante ! 😉 En revanche, je n’ai pas du tout aimé « Les revenants », pas pu le finir ou péniblement… Donc je n’ai jamais retenté autre chose et c’est dommage car celui-ci m’avait emballée…
J’avais lu ton billet après avoir écrit le mien et j’étais ravie de voir que nous étions du même avis. Je n’ai pas encore lu « Les revenants », celui-ci n’est que mon 3ème. Si tu lis « Esprit d’hiver », tu vas retrouver cette atmosphère glaçante, il m’avait vraiment marqué celui-là.
Grande fan de Laura Kasischke, j’admire comme toi sa maîtrise dans la deconstruction du rêve américain, sa façon de camper des personnages très froids, des ambiances pesantes. J’attnds avec impatience ses prochaines oeuvres.
Je suis entièrement d’accord avec toi, elle sait parfaitement créer une atmosphère de malaise. J’espérais qu’elle venait au festival America pour un nouveau roman mais malheureusement ce n’est pas encore le cas.
J’avais noté ce titre puis l’ai laissé de côté parce que, comme Jérôme, mes expériences avec cet auteur ont été inégales. J’ai l’impression de retrouver dans ses romans les mêmes mécanismes, et je trouve qu’elle tombe parfois dans la caricature. Mais ton billet me donne envie de lui laisser une nouvelle chance !
C’est mon 3ème roman de l’auteur et pour le moment je n’ai rien à lui reprocher ! Je croise les doigts pour que ça continue !
J’aurais beaucoup mieux fait de lire celui-ci, plutôt que Rêves de garçon… C’est noté pour ma prochaine lecture de Kasischke !
Je n’ai pas encore lu « Rêves de garçon », j’essaierai quand même car jusqu’à présent je n’ai pas à me plaindre de mes rencontres avec l’auteur ! Désolée de voir que tu as été déçue !
Non, pas vraiment pour moi 😉
Ça me fera un billet en moins dans ce challenge !!!
No stress, je carbure à la bédé et aux mangas pour te combler de billets… Si je continue, je vais devoir en poster deux par jours pour y arriver… Mhouhahaha
Deux par jour ??? Non mais tu n’as pas de vie ou quoi ???
Ben non, j’ai pas de vie ! Enfermée à l’asile, j’ai du temps à revendre ! mdr
Lire une bédé ou un comics, ça va vite, les chroniques aussi, je fais des fiches vierges avec toutes les données et ensuite, j’ai plus qu’à remplir la critique.
De cet auteur, j’avais lu la couronne verte, qui m’avait laissé une impression mitigée. Comme tu dis, dans le roman que j’ai lu elle maitrise parfaitement son récit, et le style fait qu’on ne lache pas facilement le roman, mais je n’ai pas trop adhérer aux personnages et leur réaction, et la fin un peu tirée par les cheveux. J’avais vu l’adaptation d’Un oiseau blanc dans le bilzzard avec Eva Green, le film était plutôt réussi.
Je n’ai pas encore vu le film, je vais pouvoir le regarder maintenant que j’ai écrit mon billet ! Une amie m’en dit beaucoup de bien également et je vois tout à fait Eva Green dans le rôle.
J’ai beaucoup aimé ce roman de Kasischke, c’est d’ailleurs sûrement celui que j’ai préféré.
Pour le moment, mon préféré reste « Esprit d’hiver » dont la fin m’avait stupéfaite et que je n’avais pas du tout vu venir.
Je n’ai pas lu ce roman mais j’ai vu le film avec Eva Green et j’ai adoré ! Peut-être que les relations mère et fille par contre ne sont pas bien montrées pour se concentrer sur le drame et la surprise de la fin.
Je devais voir le film après ma lecture et ce n’est toujours pas fait…on m’en dit beaucoup de bien et je trouve que le choix d’Eva Green est tout à fait pertinent.