Dans « Derniers feux sur Sunset », Stewart O’Nan nous fait vivre les trois dernières années de Francis Scott Fitzgerald. Le roman débute en 1937. A cette époque, l’écrivain a tout perdu : Zelda, sa femme, est internée dans un hôpital psychiatrique sur la côte est et leur fille Scottie suit des études pour rentrer à Harvard. Fitzgerald est ruiné, il n’a pas écrit de roman depuis longtemps, ses nouvelles sont très mal payées. Les fêtes exubérantes des années folles et de la French Riviera ne sont plus qu’un souvenir lointain. Choyé par le destin et le succès, Fitzgerald est en chute libre, à la dérive.
Il décide donc de retourner à Hollywood où il espère pouvoir renflouer son compte en banque et ainsi subvenir aux besoins de sa famille. Il y retrouve son amie Dorothy Parker et son mari Alan Campbell. Tous travaillent pour la Metro Goldwyn Meyer où les scénaristes ne sont que de la main d’œuvre. Fitzgerald apprend vite que ce travail est source de frustration et de désillusion. Il écrit sans relâche des scenarii qui sont entièrement réécrits par d’autres ou qui sont finalement abandonnés. Son nom est donc rarement crédité au générique des films sur lesquels il travaille.
Pour tenir le coup, Fitzgerald côtoie à nouveau ses vieux démons (alcool, somnifères, amphétamines, coca dont il remplit sa mallette pour tenir toute la journée) encouragé en cela par les autres habitants de la résidence des jardins d’Allah comme Bogart ou Dorothy Parker. Ses retrouvailles avec Hemingway ne l’aide pas à remonter la pente puisque celui-ci est resté dans la lumière alors que Fitzgerald est quasiment un écrivain oublié.
Néanmoins, tout n’est pas complètement sombre puisque c’est à Hollywood qu’il rencontre Sheila Graham, échotière people, qui sera sa dernière compagne. C’est peut-être grâce à elle, à la confiance qu’elle lui renvoie, que Fitzgerald se remet à écrire. Les coulisses cruelles de Hollywood l’inspirent et il se lance dans l’écriture du « Dernier nabab » qu’il ne pourra malheureusement pas achever.
Stewart O’Nan sait parfaitement décrire l’envers du décor de Hollywood, cette machine à rêves froide et souvent cynique. Il nous montre un Fitzgerald miné par le doute, par ses fêlures, qui n’arrive pas à s’adapter à ce milieu faussement glamour. Sa vie professionnelle et sa vie personnelle semblent derrière lui, il n’est plus que le fantôme de lui-même à l’instar de Zelda qu’il ne reconnaît plus lorsqu’il lui rend visite. Leurs rencontres sont toujours d’une tristesse poignante. Le roman fourmille d’anecdotes, nous sommes au cœur de la vie de cet auteur d’exception. Et l’on essaie à aucun moment de démêler le vrai du faux tant le personnage de Fitzgerald est crédible, tant sa mélancolie irrigue les pages du roman. Stewart O’Nan ne fait pas un portrait complaisant, rien n’est oublié des failles et désespoirs de Fizgerald, c’est un portrait crépusculaire et infiniment touchant.
Stewart O’Nan fait revivre sous sa plume un des plus grands écrivains américains, Francis Scott Fitzgerald, dont le destin se confond avec celui de Gatsby, celui d’un homme dont la vie fut semée de désillusions et dont l’astre s’est éteint d’avoir trop brillé.
Très beau billet ! Tu sais tout le bien que je pense de ce roman ! J’ai adoré écouter l’auteur en parler au Festival America. Je n’avais pas pensé à sa dimension « roman noir » mais c’est vrai qu’il y a quelque chose de très crépusculaire dans ce récit, très LA by night aussi.
Je suis contente que tu l’aies autant aimé en tous cas 🙂
Merci, je suis contente d’avoir réussi à transmettre mon plaisir de lecture. Stewart O’Nan a su rendre l’atmosphère du Hollywood de l’épique et Ftizgerald prend vit à travers ses mots. Il faut absolument que je lise « Emily ».
J’adore Stewart O’Nan mais le sujet de ce roman ne m’attire pas. On vient de rééditer son premier roman, je vais plutôt m’orienter vers celui-là.
C’était mon premier Stewart O’Nan et j’ai très envie de decouvrir le reste de son œuvre.
Oulala, entre ce billet et le précédent, c’est l’envers du rêve américain ! Ceci dit, ces deux lectures m’attirent beaucoup, surtout s’il est question de Broadway ou Hollywood… Mon côté starlette 😉
C’est très intéressant de voir l’envers du décor, surtout avec un personnage comme Fitzgerald. Et ce qui ne gâte rien, c’est très bien écrit !
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J’ai été tellement enthousiasmée par O’Nan lors du festival america, que j’ai ramené deux livres de lui, bon, pas celui là, mais ton avis me laisse supposer que c’est du vraiment bon, je suis ravie 🙂
Je ne sais pas si tu as acheté « Emily » mais il me tente depuis longtemps et j’ai encore plus envie de le decouvrir après celui ci.
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