Adieu Gloria de Megan Abbott

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« Je veux ces jambes. Ce fut la première chose qui me vint à l’esprit. Elle avait les jambes d’une danseuse de revue de vingt ans à Vegas, trente mètres de long, avec juste ce qu’il fallait de courbes, d’élasticité et de promesses. Évidemment, il n’y avait pas moyen de dissimuler la peau des mains légèrement usée ou les chairs qui commençaient à se relâcher sur l’ossature du visage. Mais les jambes, elles tenaient bon, je vous le dis. Rudement bien conservées. J’avais beau être de deux décennies sa cadette, mes allumettes maigrichonnes ne soutenaient pas la comparaison. » Cette femme, aux jambes irréelles, est Gloria Denton. Ses tailleurs de luxe à la coupe parfaite, son maintien impeccable, son visage distingué et impassible cachent une redoutable femme d’affaires. Celles-ci n’ont d’ailleurs rien de légal, elle récolte et contrôle l’argent des casinos, des champs de courses pour des patrons qui restent dans l’ombre. Celle qui l’observe avec fascination est comptable dans une petite boîte de nuit où elle trafique les chiffres à la demande de ses patrons. Lasse de cette vie minable, elle laisse Gloria Denton faire d’elle sa pouliche, sa possible héritière. La gamine apprend vite et se plaît dans cet univers où l’argent est facile. Elle est intelligente, en admiration devant Gloria mais un grain de sable vient gripper la machine et il a pour nom Vic Riordan, un beau parleur et un looser absolu.

Megan Abbott signe avec « Adieu Gloria » un véritable roman noir façon hard boiled. Nous sommes dans les années 50, les arnaques de la pègre sont l’arrière-plan du récit, l’atmosphère est aussi vénéneuse que les femmes. Et c’est bien toute l’originalité du roman : les deux héroïnes sont des femmes et nous assistons, de rebondissement en rebondissement, à leur terrible duel. Toutes les deux sont des personnages formidables. Gloria Denton est à priori l’archétype de la femme fatale qui côtoie Marlowe dans les livres de Raymond Chandler. Mais c’est elle qui mène la danse, qui a toujours un coup d’avance et maîtrise ses sentiments et ses actions. La jeune femme, qui croise sa route, n’a pas de nom comme si, sans identité, elle était prête à endosser la première qui lui permettrait de s’échapper. Au fil du roman, elle se révèle, s’affirme face à Gloria, c’est elle la narratrice de Megan Abbott, elle qui essaie de prendre le dessus. Leur relation de Pygmalion à élève devient rapidement celle de deux rivales qui se jaugent et se méfient l’une de l’autre. Megan Abbott décrit parfaitement cette relation sombre, dangereuse où chacune des deux héroïnes est le miroir de l’autre, où chacune est la chance et la perte de l’autre.

« Adieu Gloria » est un roman noir à l’ancienne rempli de noirceur, de femmes sulfureuses, de violence, de dureté et de cruauté. L’intrigue est totalement maîtrisée et ne s’essouffle à aucun moment.

America

17 réflexions sur “Adieu Gloria de Megan Abbott

  1. Je n’ai encore jamais lu Megan Abbott, comme j’aime les romans noirs, celui là pourrait être la bonne occasion.

    • Je ne la connaissais pas non plus avant le festival America et comme je regrette de ne pas lire assez de romans noirs, j’ai sauté sur l’occasion !

    • Merci Eimelle, c’est bien l’intérêt d’un mois thématique de nous faire découvrir de nouveaux horizons littéraires et ce mois-ci nous a bien gâtés de ce côté !

    • J’ai noté d’autres titres de l’auteur, elle me semble bien intéressante. En tout cas, j’ai été tout à fait séduite par cette première lecture.

  2. J’ai du mal avec les romans noirs à l’ancienne, les femmes fatales, tout ça ! 😉
    J’ai acheté le dernier roman de Megan Abbott au Festival America parce que Sandrine avait tant donné envie de le lire, et parce qu’il se situe dans un univers plus contemporain.

    • J’ai toujours apprécié les romans hard boiled et je trouve que Megan Abbott les détourne de manière habile et féministe ! J’ai noté également d’autres titres de l’auteur et je compte bien en lire d’autres. J’ai hâte d’avoir ton avis sur celui que tu as acheté.

  3. La seule fois où j’ai testé Megan Abott, ce ne fut pas une réussite. Pour le hard boiled, je vais en rester à Chandler et Dashiell Hammett 😉

  4. Une auteure que je boudais il y a quelques temps mais je lis de chroniques de plus en plus intéressantes sur elle et j’en testerai un c’est sûr, ton billet me fait noter celui-ci…

    • Je n’avais jamais eu envie de tenter cet auteur avant le festival America et je n’ai pas déçu par celui-ci. Il faudra que j’en essaie d’autres.

  5. J’aime beaucoup les romans de Megan Abbott. Mais il faut dire que j’ai une affection particulière pour les vieux polars noirs américains. Cette ambiance me fait instantanément voyager !

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