Aaliya Saleh est une femme de 72 ans qui vit seule à Beyrouth. Divorcée d’un mari impuissant, elle a décidé de ne jamais se remarier et de profiter pleinement de son indépendance. Son appartement est comme un fort qui la protège du monde extérieur et de ses voisins parfois envahissants. Aaliya est animée par une passion qui occupe toute sa vie : la littérature. Elle travailla comme libraire et traduit en arabe ses auteurs préférés ; Tolstoï, Hamsun, Pessoa, Kertész ou Cortazar. Chaque 1er janvier, elle entame une nouvelle traduction. Son travail n’est pas destiné à la publication et ses manuscrits s’entassent dans sa petite salle de bain. Arrivant à la fin de sa vie, Aaliya repense à son existence, aux personnes qu’elle a croisées durant ses 72 ans, à sa ville tant aimée et qu’elle n’a jamais quittée.
« Les vies de papier » nous permet d’écouter la voix d’Aaliya. Nous sommes plongés, immergés dans son esprit. Comme chez Virginia Woolf, le lecteur suit les courants de pensées de Aaliya avec ses digressions, ses souvenirs qui font le va-et-vient entre passé et présent. On découvre une femme solitaire, misanthrope, peu aimable et ne mâchant pas ses mots. Son regard sur les autres est irrévérencieux et caustique. Mais Aaliya est avant tout un personnage passionné de culture. La littérature, la musique, la peinture remplissent sa vie et lui permettent de se tenir debout et de supporter les coups durs de la vie. Les livres sont un refuge et ont, pour Aaliya, souvent plus de réalité que sa propre vie : « J’ai beau connaître les personnages d’un roman en tant que collection de scènes, également en tant que phrases accumulées dans ma tête, j’ai le sentiment de les connaître mieux que ma mère. Je remplis les blancs avec les personnages littéraires plus facilement qu’avec des gens qui existent vraiment, ou peut-être est-ce que je fais plus d’effort. Je reconnais mieux le visage que Rembrandt a peint de sa mère que je ne reconnais le visage réel qui est le mien. » La beauté des œuvres d’art habite l’âme de Aaliya autant que ses souvenirs, que Hannah, sa seule véritable amie.
L’autre passion de Aaliya, c’est Beyrouth. Sa ville natale a été tant de fois martyrisée, bombardée, assiégée, Beyrouth est le symbole de toutes les guerres et tensions du Moyen Orient. Il y a dans « Les vies de papier » de magnifiques descriptions de la ville de Beyrouth. On sent, chez l’auteur, énormément d’empathie pour cette ville où il vit en alternance avec San Francisco. Beyrouth est le cadre de la vie d’Aaliya mais c’est aussi un personnage à part entière du roman. Comme Aaliya, Beyrouth fait face, s’écroule, se reconstruit et reste debout.
« Les vies de papier » est un hymne à la puissance, à la beauté des œuvres d’art. C’est aussi un superbe et touchant portrait de femme aux pensées bouillonnantes et passionnées.
Merci aux éditions Les Escales pour cette lecture.
Très envie de le lire.. Je le note!
Ce fut une bonne surprise pour moi en tout cas.
Un très très beau roman dont on n’a pas assez parlé !
Je suis bien d’accord, il n’a pas eu beaucoup de presse malheureusement même après le prix Femina.
Ce livre fait vraiment l’unanimité. Je suis très tentée !
C’est un très bel hommage à la littérature et à ce qu’elle apporte dans nos vies.
c’est effectivement un livre dont on a peu parlé, donc merci d’attirer mon attention sur ce roman qui me fait vraiment envie, et dont tu parles très bien !
Merci Eva, je suis contente de voir qu’il te tente et j’espère que tu l’aimeras.
Tu en parles si bien qu’il est difficile, voire impossible, de ne pas m’intéresser de plus près à ce titre ! Merci pour cette jolie découverte 🙂
Merci à toi pour ton message, j’espère que tu l’apprécieras autant que moi.