Le soir du 26 juin, à l’arrière d’une boutique, se prépare le rituel du lendemain. Une grande urne est exhumée et remplie, par deux hommes, de morceaux de papier blanc pliés en deux. Sur l’un d’eux est dessiné un rond noir. Depuis des lustres, dans ce village de l’Amérique rurale, a lieu le 27 juin le tirage d’une loterie. C’est une cérémonie qui perdure à travers le temps. Certes, l’incantation de début de cérémonie ou le salut rituel n’existent plus. Mais l’essentiel a été sauvegardé : le tirage au sort. Tessie Hutchinson aurait presque oublié que le jour de la loterie était venu. Elle profite du calme de la maison, prend un bain avant de comprendre. Et cette journée va changer sa vie. Les trois cents habitants sont réunis devant l’urne. Chaque homme, représentant sa famille, tire un morceau de papier. C’est Bill, le mari de Tessie, qui tire celui marqué d’un rond noir. L’ensemble de sa famille doit ensuite piocher à nouveau dans l’urne. Le papier au rond noir est remis en jeu. Qui va être le gagnant de cette année ?
Miles Hyman est le petit-fils de Shirley Jackson. Celle-ci écrivit la nouvelle « La loterie » en 1948 et elle fut publiée dans The New york Magazine. Le texte provoqua un véritable tollé. Shirley Jackson fut obligée de changer de boîte aux lettres tant elle recevait de plaintes de ses lecteurs ! Il est vrai que l’histoire racontée est des plus dérangeantes. Elle décrit le quotidien paisible d’un village des Etats-Unis dans les années 50. Celui-ci semble sans problème et chacun connaît tout le monde. Le terrible et inattendu final de « La loterie » questionne en fait le mal ordinaire, celui que chacun porte en soi. Pas étonnant, dès lors, que certains se soient offusqués d’une pareille intrigue qui révélait les pires instincts de l’âme humaine et entachait l’image de l’Amérique d’après-guerre.
Miles Hyman a produit une adaptation remarquable de ce texte. Ses dessins sont très cinématographiques, certaines pages ou cases m’ont évoqué le travail de Edward Hooper. Le dessinateur joue avec la structure de ses pages, ses découpages varient d’une page à l’autre. Très peu de textes, de paroles complètent les images, ce qui donne un côté épuré à cette bande dessinée. Mais cela crée également une ambiance inquiétante qui va crescendo avec quelques indices du drame à venir disséminés au fil des pages. Le dessin joue beaucoup avec les contrastes d’ombre et de lumière. Les expressions des visages des personnages sont très marquées. Le rituel, qui semble au départ anodin, gagne en gravité au fur et à mesure qu’il se déroule. Le silence, la dureté des visages finissent par nous glacer le sang.
« La loterie » est une bande dessinée très réussie mettant en images une nouvelle cauchemardesque de Shirley Jackson.
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oohh tout un livre intrigant…oui didonc, je me demande ce qui se passe vraiment avec cette loterie…oohh tu donnes envie de le lire…sympa le lien de parente…..
J’espère bien avoir éveillé votre curiosité avec mon billet !!!
J’avais lu cette (étrange) nouvelle en v.o. Pas ma préférée de Jackson.
J’avoue ne pas avoir lu la nouvelle avant la BD. Je ne suis d’ailleurs pas sûre qu’elles soient traduites en français; Je vais regarder.
J’ai lu la nouvelle suite à la lecture de billets sur cet album. Dérangeant. Je lirais bien l’album si je tombe dessus, mais ma médiathèque ne le possède pas, et ce n’est pas forcément un livre que je voudrais garder.
Il faut vraiment que je lise la nouvelle même si j’en connais maintenant le dénouement.
Elle fait une dizaine de pages, donc je pense que l’essentiel est déjà dans l’album. Mais dans tous les cas, ça ne te prendra pas longtemps.
Quel dessinateur ce Hyman ! J’adore tout ce qu’il fait.
Je le découvre grâce à cette BD et son dessin, sa mise en page sont vraiment très intéressants. je vais regarder ce qu’il a fait d’autre.