Lancelot, dit Lotto, a rencontré Mathilde en 1991 lors d’une soirée. C’est le coup de foudre. Ils se marient peu de temps après. Ils ont alors 22 ans, ils sont beaux, séduisants, intelligents et la famille de Lotto est richissime. Mais ce mariage si rapide ne plait pas à la mère de Lotto qui lui coupe les vivres. Qu’importe, l’avenir est devant eux et Lotto croit en ses talents d’acteur. Les castings, les fêtes s’enchaînent et Lotto ne décroche aucun rôle. Mathilde, qui travaille dans une galerie, fait tourner le ménage. Devant l’insouciance de son mari, elle gère le quotidien. Et quand Lotto commence à baisser les bras, Mathilde le soutient, l’encourage. Jusqu’à une nuit particulièrement arrosé où Lotto, au bout du désespoir, se met à écrire. Il ne sera pas comédien mais dramaturge et ses pièces connaissent immédiatement du succès. Le couple fusionnel perdure au fil des années et des succès jusqu’à ce que Lotto découvre un détail sur la vie de Mathilde qui pourrait tout changer.
Le titre original du roman de Lauren Groff, « Fates and furies », en souligne bien la structure. Il est dommage que le titre français n’est pas conservé ce couple de mots si significatif. La construction des « Furies » est originale et reflète le couple de Lotto et Mathilde. La première partie nous raconte l’histoire selon le point de vue de Lotto avec d’amples chapitres. Ce personnage a eu une enfance choyée, on lui promet un bel avenir. La mort brutale de son père change tout. Lotto devient un adolescent problématique, il essaie toutes les drogues, boit et séduit beaucoup. De Floride, il est envoyé en pension dans le froid New Hampshire, loin des tentations et des abus. Malgré la solitude et la tristesse, Lotto y trouve ce qui va changer sa vie : Shakespeare. C’est là que son destin se noue, sa vie sera liée au théâtre. Et à Mathilde, douce, aimante, patiente avec son génie de mari, elle règle tout dans l’ombre, lui simplifie la vie. Lauren Groff s’est inspirée de Vera Nabokov pour imaginer Mathilde, une femme discrète qui épaule toute sa vie son écrivain de mari.
« Le mariage est un tissu de mensonges. Gentils, pour la plupart. D’omissions. Si tu devais exprimer ce que tu penses au quotidien de ton conjoint, tu réduirais tout en miettes. Elle n’a jamais menti. Elle s’est contentée de ne pas en parler. » La deuxième partie du roman, constitué de chapitres plus courts, est consacrée à Mathilde qui nous raconte l’histoire de son point de vue. L’histoire est bien la même mais elle recèle de surprises. Mathilde est loin de l’épouse parfaite, effacée que l’on a découvert dans la première partie. Il ne faut pas trop en dévoiler car tout le plaisir de lecture réside dans ce deuxième récit. Le couple parfait de Mathilde et Lotto est une belle illusion, un mirage créé de toutes pièces. Même le talent de Lotto est un mensonge. Lauren Groff joue subtilement avec cette évidence : on ne connaît jamais vraiment la personne avec qui l’on vit. Le personnage de Mathilde est infiniment complexe et intelligent, dans l’ombre au début, elle est pourtant le pivot du couple et de l’histoire.
« Les furies » de Lauren Groff déconstruit le couple et nous montre que le bonheur est bien souvent le fruit d’une illusion. Sa forme narrative originale, ses personnages complexes font de ce livre une belle réussite.
j’en garde un souvenir très fort!
Je pense que cela sera également mon cas !
J’ai beaucoup aimé aussi, notamment pour cette habile construction en « recto-verso » qui rend sa densité au personnage de Mathilde, en effet remarquable.
Je suis totalement d’accord avec toi, c’est cette construction et cette deuxième partie qui donnent tout son intérêt à cette histoire.
et bin tout un livre…en tout cas tu donnes envie de le lire….de decouvrir cette femme…ma curiosite est titillee…;)
C’est un très beau personnage de femme, très complexe et surprenante.
Oh ! Les joies du couple et des points de vue qui divergent …c’est tentant ça 🙂
J’ai trouvé que la construction du roman offrait un regard différent sur ce sujet très traité dans la littérature.
Je n’avais pas été complétement convaincue, sans doute parce que dans la première partie, Mathilde semble trop parfaite pour être vraie…. Alors, la seconde partie est un peu sans surprise. Mais la lecture de ce titre est quand même assez prenante pour qu’on la goûte en entier.
Pour le coup, j’ai été vraiment surprise par la deuxième partie. Je n’avais pas lu grand chose sur le roman et je pensais que la deuxième partie portait sur la séparation du couple !!!
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