Le 24 mars 1941, le cargo « Capitaine Paul Lemerle » quitte le port de Marseille. A son bord, les réprouvés de Vichy, les exilés de l’Europe de l’Est, des juifs, des républicains espagnols. Les passagers tentent de rejoindre une terre d’asile : New York, le Mexique. Sur le pont du bateau se croisent des anonymes et des grands noms de la culture européenne : André Breton, Claude Levi-Strauss, le peintre Wifredo Lam, la photographe Germain Krull, le peintre André Masson, la romancière Anna Seghers ou le communiste anti-stalinien Victor Serge. La vie sur le bateau s’organise avec des cycles de conférences sur le pont, des répartitions par classes sociales, par intérêt. Tout se passe relativement bien jusqu’à l’escale en Martinique. Les passagers retrouvèrent ce qu’ils avaient voulu fuir : la France de Vichy. Ils sont tous débarqués et emmenés dans des camps de rétention. La municipalité fait du zèle. Sur l’île, quelques intellectuels résistent comme Aimée Césaire et sa femme qui sont à la tête d’une revue. Le périple du capitaine Paul Lemerle n’est pas de tout repos.
En 2014, Adrien Bosc évoquait les vies de passagers de l’avion transatlantique Constellation qui s’écrasa en 1949 avec quarante huit personnes à son bord dont Marcel Cerdan. L’écrivain aime nous conter des trajets et des trajectoires entre histoire et fiction. Il s’infiltre dans les blancs laissés par l’Histoire pour redonner vie aux passagers du cargo. Le point de départ de ce livre est la photo en couverture où l’on voit Wifredo Lam, Jacqueline Lamba, la femme d’André Breton, et Victor Serge parmi des inconnus. Le voyage est très peu documenté au niveau photographique malgré la présence de Germaine Krull. Adrien Bosc s’est longuement documenté avant d’écrire cette odyssée de l’élite intellectuelle européenne. Son livre est un journal de bord qui nous fait découvrir le quotidien sur le bateau. Il est parsemé de textes écrits par les passagers comme ceux de Victor Serge ou les lettres échangées entre Breton et Levi-Strauss durant la traversée. Les deux hommes réfléchissent au statut d’œuvre d’art du document, comme une mise en abîme du présent livre. « Capitaine » est donc constitué de fragments qui évoquent pour l’auteur « l’esthétique du collage » chère aux surréalistes. « Capitaine » ne se livre donc pas facilement pour cette raison mais également parce qu’il est diablement érudit. La lecture est moins fluide que dans « Constellation ». Le propos est ambitieux, il nous montre, sous un autre angle, le rejet de la culture par le régime de Vichy. « Capitaine » est un livre exigeant qui demande beaucoup à ses lecteurs mais qui vaut le voyage.
« Capitaine » est mon premier roman de la rentrée littéraire ; j’avais beaucoup aimé « Constellation », le précédent livre d’Adrien Bosc. Moins fluide, plus exigeant, ce livre, entre document et roman, brosse l’exode de l’intelligentsia de la culture européenne en 1941.
Bonjour, je découvre avec intérêt ton blog. Les avis sont partagés sur ce livre, sûrement à cause de sa forme narrative. J’en suis curieuse tout de même.
De l’auteur, je conseille quand même « Constellations » qui se lit de manière beaucoup plus fluide. Je garde de « Capitaine » une impression de lecture mitigée.