Rory Docherty est revenu de la guerre de Corée avec une jambe en moins. Il vit avec sa grand-mère, Ma, dans les montagnes occidentales de Caroline du Nord. Rory gagne sa vie en faisant de la contrebande de bourbon. Il parcourt les lacis de virages de montagne à bord de son mythique coupé Ford entretenu par son ami Eli. Ce dernier est le neveu de Eustace Uptree qui possède l’ensemble des alambics des montagnes. Mais les agents fédéraux voudraient faire cesser la contrebande et surveillent le trafic d’Eustace.
L’ambiance du roman de Taylor Brown est noire, poisseuse. Les Appalaches sont dominées par le trafic illégal d’alcool. La région a été totalement modifiée par l’homme. La vallée a été inondée par un barrage et pour ce faire des maisons ont été brûlées, des opposants au projet pendus. Les alambics sont allés se cacher dans les montagnes. Ils sont pour beaucoup le seul moyen de manger, de gagner de l’argent. Les autorités locales profitent d’ailleurs largement de la contrebande. Pour accentuer cette ambiance, cette vallée engloutie renferme un terrible secret de famille. Celui de la mort du père de Rory, bien avant sa naissance, et devant les yeux de sa petite amie. Celle-ci, traumatisée, se mura dans un mutisme qui l’envoya à l’asile psychiatrique. De retour dans sa région Rory va chercher à comprendre ce qu’il est arrivé à son père et sa mère.
Entre la distillation du bourbon, l’inquiétant Eustace Uptree, les affrontements entre Rory et les fédéraux, les courses automobiles, un prédicateur illuminé qui manipule les serpents venimeux, « Les dieux de Howl Mountain » est un livre très masculin. Et pourtant, le personnage le plus marquant du roman est une femme : la grand-mère de Rory. Ma est considérée comme une guérisseuse, elle dit tenir ses secrets des indiens cherokee. Elle est une force de la nature, une survivante. Son mari est mort en France lors de la 1ère guerre mondiale, sa fille a passé la plupart de sa vie en asile psychiatrique et son petit-fils est revenu amputé d’une jambe de la guerre de Corée. Elle est le pivot du roman, celle vers qui Rory, Eustace convergent toujours. Ancienne prostituée, elle a un tempérament bien trempé et le langage qui va avec ! Elle vole littéralement la vedette à tous les hommes du roman.
Avec une prose lyrique, Taylor Brown nous plonge dans la région des Appalaches dans les années 50 au milieu de la contrebande d’alcool et de sombres secrets de famille. C’est noir, très noir, l’atmosphère est pesante et presque gothique (cérémonies religieuses hystériques et marronnier protecteur contre les mauvaises esprits). Ce roman possède une grande force évocatrice ce qui le rend très cinématographique.
Merci aux éditions Albin Michel pour cette lecture.
De la contrebande d’alcool dans les années 50? J’ai lu dans plusieurs romans que les appalaches ont vraiment été défigurées et polluées…c’est triste.
Oui, apparemment la région a été très modifiée et a été le lieu de nombreux trafics (après l’alcool, la drogue).
L’alcool et la contrebande, deux éléments indissociables ! Il est sur ma PAL, pour septembre ou avant 😉
J’espère qu’il te plaira, il peut tout à fait correspondre à certaines thématiques du mois américain en plus !
cool !!