« J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne »
Joseph Ponthus a quitté la région parisienne et son travail d’éducateur spécialisé pour suivre sa femme en Bretagne. Mais à Lorient, il n’y a pas d’emploi pour un travailleur social. Joseph s’inscrit donc dans une boîte d’intérim. Et c’est ainsi qu’il découvrira le monde de l’usine agro-alimentaire. Il commence dans une conserverie de poisson pour finir dans un abattoir. Il découvre l’abrutissement d’un quotidien répétitif, l’épuisement physique et mental des ouvriers au milieu des odeurs de carcasses, du sang, des abats.
« Les mêmes gueules aux mêmes heures
Le même rituel avant l’embauche
Les mêmes douleurs physiques
Les mêmes gestes automatiques
Les mêmes vaches qui défilent encore et toujours à travailler sur cette ligne qui ne s’arrête jamais
Qui ne s’arrêtera jamais
Le même paysage de l’usine
Le même tapis mécanique
Les mêmes collègues à leur place indéboulonnable
Et les vaches qui défilent
Les mêmes gestes »
La dureté du monde ouvrier, la souffrance de ces hommes et de ces femmes sont inscrites dans les mots de Joseph Ponthus. Les cadences infernales, les changements de poste incessants pour les intérimaires (les plus précaires et donc les plus corvéables) abrutissent, assomment les ouvriers sur leurs postes de travail. Mais au milieu de ces épreuves, il y a la solidarité entre collègues, les pauses café qui redonnent un peu de souffle et la force de continuer.
Pour Joseph Ponthus, la ligne de production s’est transformée en ligne d’écriture. Chaque soir, il a couché son expérience sur le papier comme une catharsis. Avec ses phrases courtes, percutantes, sans ponctuation, il nous montre que l’ouvrier est un Sisyphe moderne qui chaque jour recommence les mêmes tâches harassantes. Heureusement, il y a aussi de la tendresse dans ces pages, pour sa femme bien aimée, pour sa mère, son chien Pok Pok. Il y a aussi la littérature (Dumas, Apollinaire, Aragon, Cendrars, Proust, etc…) et la chanson (Barbara, Trebet, etc…) qui aident à tenir et que l’on convoque dès que la réalité devient trop difficile.
Vous avez sans doute déjà lu beaucoup d’articles, d’avis dithyrambiques sur ce livre et je peux vous assurer qu’il les mérite tous. L’écriture de Joseph Ponthus, en vers libre, va à l’essentiel, nous happe, la justesse des mots rejoignant la justesse des gestes des ouvriers. « À la ligne » rend un hommage à ces hommes et ces femmes qui chaque jour travaillent dans les usines et il leur rend surtout leur dignité.
Un bel hommage, oui. J’ai adoré ce texte !
Moi aussi, je l’ai adoré et dévoré ! C’est vraiment un livre formidable et remarquable sur le fond et la forme.
très très envie de le lire !
C’est marrant, j’étais persuadée que tu l’avais déjà lu !!!
Magnifique ce livre, des émotions en vrac et un coup de coeur monumental ! Assurément dans mon top de l’année.
Oui, c’est vraiment un des grands livres de l’année, quelle force dans la langue ! On devrait bien le faire lire à nos gouvernants qui veulent sans cesse augmenter le temps de travail.
Entre nous et pour parler vulgairement : ils s’en branlent !! Eux n’ont jamais fait ce job et s’ils l’ont fait, ce n’était que temporairement, certains y sont coincés pour la vie !
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