A Genève, en 1989, Aldo Bianchi est professeur de tennis pour de riches femmes oisives. Aldo ne s’arrête pas aux vestiaires, il exerce ses charmes sur ces riches femmes mariées. Lui aussi veut profiter de la gigantesque manne d’argent qui déborde en Suisse. Mais au fond de lui, Aldo sait qu’il est né petit et qu’il le restera. Pourtant, sa chance pourrait peut-être tournée grâce à une rencontre. Grâce à sa dernière conquête, Odile Langlois, Aldo devient porteur de valises de cash. Il dépose l’argent dans un casier et une femme vient le récupérer. Cette femme se nomme Svetlana, elle travaille dans la finance et elle espère également croquer une part du gâteau capitaliste. Aldo et elle vont lier leurs destinées pour profiter du système et enfin gagner le gros lot. Mais maitrisent-ils bien tous les rouages du système financier ?
« La soustraction des possibles » de Joseph Incardona est un roman ambitieux, dense, au scénario très élaboré qui se rapproche du roman noir. L’intrigue est foisonnante et réserve de nombreuses surprises et rebondissements. Au début du roman, l’auteur nous explique qu’il ne s’agit pas d’une histoire d’argent, de truands, de bourreau, de copains, de désir, de trahison, d’ambition mais une histoire d’amour. Et pourtant « La soustraction des possibles » est tout ça à la fois. C’est également un roman profondément balzacien puisque l’argent en est le sujet central.
Joseph Incardona choisit de placer son intrigue en 89-90, les années de gloire de l’ultra-libéralisme et des golden boys tout droit sortis de « American psycho ». L’argent est roi, le système financier et les paradis fiscaux ne sont pas encore réglementés. « L’argent est devenu le « McGuffin » de l’Humanité. On ne sait même plus s’il est cause ou conséquence d’un certain fonctionnement économique. Les années 1990 préfigurent un système sur le point de perdre tout contrôle, où l’informatique s’apprête à révolutionner la planète, où les algorithmes emballent la combinatoire des transactions boursières. Plus personne ne sait vraiment ce qu’est devenu l’argent, un moyen, un but, un prétexte, une dématérialisation de nos existences ». Ce que montre parfaitement Joseph Incardona, c’est à quel point ce système irradie tous les secteurs. L’argent relie entre eux, comme une gigantesque pieuvre, les banquiers suisses, les mafieux corses, la prostitution (les pages concernant le conditionnement de filles de l’est à la prostitution sont saisissantes) et bien d’autres choses encore.
Aldo et Svetlana viennent du même milieu social, ils ont connu les mêmes humiliations, ils ont la même rage de s’en sortir et, à deux, ils pensent être plus forts. Ils font tous les deux parties d’une impressionnante galerie de personnages mais ce sont ces deux-là que l’on suit du début à la fin. Ce sont eux, les petits, vers qui va notre sympathie.
Enfin, il faut parler du style de Joseph Incardona. Il est nerveux, cinématographique, fortement ironique. Le narrateur n’hésite pas à se moquer de ses personnages. Il nous interpelle, nous raconte sa vie et c’est d’ailleurs l’un de mes bémols car je ne comprends pas ce que viennent faire là les morceaux de vie de l’auteur. Le style est extrêmement original, vivant mais son côté un peu ostentatoire peut lasser sur la longueur.
« La soustraction des possibles » est un roman très ambitieux, au scénario dense sur l’argent-roi des années 89-90.