Dans une Amérique décimée par des fièvres mystérieuses, des hordes de mercenaires font régner la peur et le chaos. Des groupes d’individus, les Indésirables, se regroupent dans des campements. Une femme a réussi à conserver la ferme familiale. Elle y vit seule et tient les autres en respect grâce au talent qu’elle propose : l’écriture. Elle seule sait encore fabriquer du papier et de l’encre. Sa sœur, décédée, avait quant à elle des pouvoirs de guérisseuse. L’arrivée d’un homme, Mr Hendricks, va changer la vie de l’héroïne. Il souhaite non seulement qu’elle écrive une lettre mais il souhaite également qu’elle la délivre en personne dans une ville lointaine.
« Les sœurs de Blackwater » est un roman étrange qui nous donne peu de repères. Nous sommes probablement dans une dystopie mais nous pourrions également être dans une époque passée (j’ai notamment pensé à la guerre de Sécession). L’héroïne n’a elle-même pas de prénom ou de nom. Alyson Hagy réussit parfaitement à créer une ambiance trouble mais également pesante, tendue où tout semble être une menace. Nous sommes dans une Amérique où les rêves, les espoirs ont fait long feu. « Des terres – chaque homme, chaque femme et chaque enfant, à bord de ces chariots, croyait que son bonheur l’attendait sur un lopin de terre planté d’arbres sombres. Plus personne, aujourd’hui n’avait foi en ces rêves de bonne fortune. Cette naïveté avait vécu. Une loi plus cruelle prévalait désormais : prendre ou être pris. » Dans ce monde monde brutal et sans pitié, la femme et Mr Hendricks portent tous les deux le poids de la culpabilité, d’un passé d’enfermement et de douleurs. Tous deux cherchent une forme de rédemption.
Ce qui est plaisant dans le roman d’Alyson Hagy, c’est sa volonté de célébrer la puissance de l’imaginaire. Ici se mélangent le réalisme, les rêves, les fantômes et les légendes. L’héroïne, qui est l’héritière des sorcières, fonde son pouvoir sur l’écriture. Les lettres, qu’elle rédige, ont le pouvoir de soulager, de laver les péchés de ceux qui les commandent. L’écriture peut guérir, peut permettre d’expier et de se réconcilier avec soi-même et les autres.
« Les sœurs de Blackwater » est un roman à la langue belle et intrigante. Le lecteur doit accepter de perdre ses repères, de ne pas tout saisir pour se laisser envoûter par ce texte étonnant.
Traduction David Fauquemberg
Merci aux éditions Zulma et à La Bande.
Tout un livre postapocalyptique qui semble bien didonc….oui pourquoi pas?
Hyper tentant !
ça donne envie ton billet. J’aime l’idée du pouvoir de l’écriture comme remède contre les maux de cette société en délitement. Je note!
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comme souvent, de belles choses chez Zulma!