Mon mois de septembre a été essentiellement tourné vers les États-Unis pour mon mois américain : l’intrigant « Les sœurs de Blackwater » de Alyson Hagy, le tendre et drôle « L’oiseau canadèche » de Jim Dodge, le passionnant et touchant « Neverhome » de Laird Hunt, le formidable « Brown girl dreaming » de Jacqueline Woodson qui n’est malheureusement pas traduit en français, le sensible et musical « Les variations sentimentales » de André Aciman et le féministe « L’éveil » de Kate Chopin. Un nouveau mois américain se termine, j’ai presque réussi à suivre l’ensemble de mon programme de départ et j’ai fait de très belles découvertes. Un grand merci à tous les participants !
J’ai également pu lire deux premiers romans : celui d’Andrea Donaera, « Je suis la bête », une plongée percutante dans la mafia des Pouilles et celui de Mireille Gagné, « Le lièvre d’Amérique » dont je vous reparle très vite. Je n’ai pas pu chroniquer par manque de temps « Les vermeilles de Camille Jourdy et « Zaï zaï zaï » de Fabcaro mais je vous conseille très fortement ces deux BD qui sont fabuleuse (pour celle de Camille Jourdy) et hilarante (pour celle de Fabcaro).
Six films complètent mon bilan de septembre :
Antoinette est institutrice. Sa vie amoureuse est compliquée puisqu’elle a une relation avec le père d’une de ses élèves qui est marié. La fin de l’année arrive, Antoinette est aux anges : elle doit passer une semaine avec son amoureux. Mais lors de la fête de l’école, celui-ci lui annonce qu’il part finalement dans les Cévennes avec sa famille. Antoinette ne baisse pas les bras et réserve un circuit de randonnée, dans la même région, avec un âne sur les traces de Robert Louis Stevenson.
Le film de Caroline Vignal est une comédie pétillante et réjouissante qui évite tous les clichés du genre. La randonnée d’Antoinette va se transformer en chemin initiatique (voire psychanalytique avec Patrick, l’âne, comme psy !). La femme délaissée par son amant va assumer sa solitude au fur et à mesure des chemins rocailleux des Cévennes. Raillée par certains randonneurs, admirée par d’autres, Antoinette est tour à tour charmeuse, pathétique, exaspérante, drôle et ce personnage finit par être totalement irrésistible et attachant. Elle et l’âne Patrick forment un duo inédit, surprenant et parfaitement accordé. Laure Calamy fait des merveilles dans le rôle d’Antoinette et le plaisir que l’on a à regarder le film tient beaucoup à sa performance. Elle est de tous les plans et le personnage d’Antoinette lui va comme un gant ! Une comédie totalement réussie, intelligente et pleine de fraîcheur que je vous conseille fortement.
Un couple se sépare à la terrasse d’un café. La jeune femme, Ondine, ne le supporte pas et dit à son amant qu’elle va être obligée de le tuer. Un peu plus tard dans la même journée, Ondine rencontre Christoph, un scaphandrier. L’amour renaît, il est tendre, simple et entier. Mais cela suffira-t-il à Ondine pour oublier sa déception amoureuse ?
Le film de Christian Petzold mélange le réalisme et la mythologie. Ondine est l’héroïne d’une légende germanique, elle ne peut vivre sans l’amour d’un humain et elle devra tuer celui qui la trahit avant de retourner dans l’eau. Le réalisateur propose un nouvel amour à Ondine pour la faire dévier de sa funeste destinée. La scène de la rencontre entre Ondine et Christoph est fracassante et sublime. Christian Petzold reprend les deux acteurs (Paula Beer et Franz Rogowski) qui étaient à l’affiche de son précédent film « Transit », le couple d’acteurs fonctionne merveilleusement bien. Ils vibrent de romantisme. Face à cette histoire d’amour mythique, Christian Petzold montre la réalité de Berlin, notamment son urbanisation puisque Ondine est historienne et qu’elle est conférencière dans un musée de maquettes de la ville. Les deux niveaux se contrebalancent, s’équilibrent. Berlin était à l’origine un marais, peut-être qu’Ondine vient de là. La mise en scène de Petzold parachève l’ensemble avec plusieurs scènes qui se répètent, se font écho et rythment l’histoire. Le réalisateur allemand nous offre ici un film qui revisite le mythe d’Ondine tout en gardant un ancrage contemporain. Une histoire ensorcelante servie par deux formidables acteurs.
- « La daronne » de Jean-Paul Salomé : Patience est traductrice d’arabe pour la police. Elle traduit les écoutes de trafiquants et de revendeurs de drogue. Comme Patience a des difficultés a payé l’Ehpad où elle a mis sa mère, les écoutes finissent par lui donner des idées. Grâce à une coïncidence, elle prend possession d’un énorme stock drogue qu’elle ira écouler en djellaba. La police finit par la nommer la daronne. Le film de Jean-Paul Salomé est une comédie sympathique qui vaut surtout pour le numéro d’actrice d’Isabelle Huppert. Elle est parfaite dans ce rôle de femme qui joue un double jeu sans que personne puisse la soupçonner. Le personnage est intéressant car ce basculement dans la délinquance n’est pas vraiment une surprise. L’enfance de Patience a été aventureuse en raison d’un père proche de l’illégalité. Autour de Patience, les seconds rôles offrent de beaux moments au film comme celui d’Hippolyte Girardot, le policier énamouré, ou de Jade-Nadja Nguyen, la gardienne de l’immeuble encore plus magouilleuse que la daronne !
- « Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait » d’Emmanuel Mouret : Pour se remettre d’une déception amoureuse, Maxime va s’installer quelques jours en Provence, chez son cousin François. Mais ce dernier a du s’absenter pour le travail, Maxime est donc accueilli par Daphné, l’amie de son cousin. Celle-ci va proposer des visites touristiques à Maxime et au gré de leurs promenades tous les deux vont raconter leurs histoires d’amour respectives. La construction du film d’Emmanuel Mouret est complexe et raffinée. Elle se déploie dans de nombreux aller-retours dans le présent et le passé, entre l’histoire de Daphné et celle de Maxime. Emmanuel Mouret tisse un réseau de sentiments amoureux, de situations diverses et variées où se trouvent pris nos deux héros. Comme toujours chez le réalisateur, son film est très littéraire et les dialogues y sont extrêmement travaillés. Les acteurs, avec en tête Niels Schneider et Camélia Jordana, semblent se régaler dans ses jeux modernes de l’amour et du hasard. La très belle fin du film le fait basculer dans une douce mélancolie.
- « Énorme » de Sophie Letourneur : Claire Girard est une grande pianiste qui se produit dans le monde entier. Son mari, Fred, est son agent, son garde-du-corps, son homme à tout faire. Le couple ne veut pas d’enfants. Mais lorsque Fred assiste à un accouchement dans un avion, il change complètement d’avis. Il ne pense plus qu’à ça mais Claire ne veut rien savoir. Fred, sous les bons conseils de sa mère, va faire un enfant dans le dos à sa femme. Ce qui est intéressant dans le film de Sophie Letourneur est l’inversion des rôles. C’est Fred (Jonathan Cohen) qui assiste aux séances de préparation à l’accouchement, lui qui connaît les infirmières, les sage-femmes de l’hôpital. Claire (Marina Foïs) fait comme si tout cela n’existait pas. Le duo d’acteurs fonctionne très bien entre la placidité de Marina Foïs et l’exubérance de Jonathan Cohen. La réalisatrice a également eu la bonne idée de faire tourner de véritables professionnels hospitaliers. Le mélange entre réalité et fiction est assez intrigant. Et finalement, c’est bien cet adjectif qui définit le mieux cette comédie.
- « Les apparences » de Marc Fitoussi : Eve, qui a raccourci son prénom originel d’Evelyne, est la directrice de la médiathèque française à Vienne. Son mari, Henri, est un célèbre chef d’orchestre. Ils vivent entourés d’autres riches expatriés de la capitale autrichienne. Les dîners succèdent aux dîners, la vie d’Eve semble parfaite. Mais lorsqu’elle découvre qu’Henri la trompe, Eve va tout faire pour sauver les apparences et son mariage. Marc Fitoussi s’attaque à la bourgeoisie et aux faux-semblants. Mentir semble être le sport préféré des différents personnages. Le film se consacre surtout à Eve qui se montre redoutable et d’un cynisme sans faille pour préserver sa situation sociale. Karin Viard incarne de manière réjouissante cette femme que l’on plaint et que l’on déteste tour à tout. Les rebondissements, la duplicité des personnages titillent notre curiosité mais le film souffre de quelques défauts. Il y a un peu trop de complexité dans l’intrigue, le millefeuille est un peu trop épais pour être convaincant (les deux amants qui ont de lourds secrets notamment). Et certaines pistes sont rapidement balayées, la plus intéressante me semblait être la détestation d’Eve de son milieu modeste d’origine. Cette piste constitutive du personnage n’est pas assez exploitée. « Les apparences » est un film honnête, qui est agréable à regarder mais il aurait pu être plus méchant, plus incisif. N’est pas Chabrol qui veut !
je vois que tu as renoué avec les salles obscures… J’ai fait de même, nous avons en commun « Antoinette » (quelle jolie comédie, oui, pétillante, qui fait du bien) et « Les choses qu’on dit.. » que j’ai aimé aussi.
Merci pour l’organisation du Mois Américain, cette année encore ce fut une très riche activité, qui m’a permis de faire de belles découvertes, et de noter plein d’autres titres à lire pour les futures éditions !
Je n’en pouvais plus de ne pas aller au cinéma, j’y suis retournée dès l’ouverture !!! Antoinette est vraiment une très chouette comédie que je conseille à tout le monde. Et je suis ravie de voir que tu as fait plein de découvertes pendant le mois américain !
Toujours pas vu de film ces derniers temps, hormis le « Avengers – Endgame » (et là aussi j’ai un super méga retard).
Beau bilan et merci pour le mois américain.
Je ne suis pas du tout super héros, nous n’irions pas au cinéma ensemble ! 😉
J’ai beaucoup aimé Antoinette aussi! Et bravo pour ce mois américain!
Ah super ! Je suis contente de voir qu’Antoinette plaît beaucoup ! Merci pour le mois américain !