« Nul rêve n’était possible à Dufton où la neige semblait noircir avant même de toucher le sol. Là-bas, Noël paraissait toujours un peu honteux de lui-même, comme s’il avait trop conscience de n’être qu’un gaspillage d’argent. Tout simplement, Dufton et la gaieté n’allaient pas ensemble. » C’est cette ville que Joe Lampton veut fuir à tout prix. Il part s’installer à Warley, une ville plus prospère, où il compte réussir. Comptable, il est embauché à l’Hôtel de ville. Par le biais de ses logeurs, il intègre la troupe de théâtre des Thespians et y fait de nombreuses rencontres notamment féminines. Son intérêt se porte rapidement sur Susan qui appartient à un milieu social élevé. Un bon argument pour notre jeune héros ambitieux et envieux des richesses des autres.
Les éditions du Typhon continuent à nous faire découvrir le mouvement littéraire des angry young men qui écrivirent dans les années 50-60 en Angleterre. Le livre de John Braine fut d’ailleurs adapté au cinéma en 1959 par Jack Clayton et il valut le prix d’interprétation à Cannes et l’oscar de la meilleure actrice à Simone Signoret. L’auteur disait s’être inspiré de « Bel ami » pour écrire « Une chambre au soleil ». Et effectivement, le roman est le récit d’une ascension sociale. Joe rejette son milieu (son père était ouvrier), sa ville d’origine. Il ne rêve que de luxe, de confort, d’un statut imposant. Il compte sur son charme et ses compétences professionnelles pour y parvenir. Mais Joe va rapidement réaliser que la guerre n’a rien changé à la hiérarchie des classes sociales, l’ancien monde est toujours là et Joe subira la condescendance et le paternalisme de ceux qui ont le pouvoir et l’argent.
Ce qui rend « Une chambre au soleil » passionnant, c’est la psychologie de Joe Lampton. Certes, il est prêt à tout pour réussir mais la culpabilité l’habite sans cesse. Son conflit intérieur est au cœur du roman et c’est ce qui humanise Joe. Il veut pénétrer le monde des puissants mais il craint de devenir aussi cynique qu’eux. La lucidité de Joe lui permet de ne jamais être dupe. Mais cette mutation sociale aura un goût extrêmement amer, le prix à payer pour changer de vie sera plus lourd que ce que notre héros imaginait.
« Une chambre au soleil » est un roman très cruel, rageur et politique dans son constat sans concession de la société anglaise d’après-guerre. Merci aux éditions du Typhon de nous permettre de découvrir cette pépite de la littérature anglaise.
Traduction Sarah Londin
Pingback: Bilan livresque et cinéma de février | Plaisirs à cultiver