Bilan livresque et cinéma d’avril

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Un mois d’avril où j’ai été peu productive en terme de nombre de lectures mais j’ai fait de très belles découvertes avec « Anna Thalberg » le formidable premier roman d’Eduardo Sangarcia, « Maud Martha » l’unique roman de la poétesse américaine Gwendolyn Brooks, le détonnant « Ce que Majella n’aimait pas » de Michelle Gallen. J’ai enfin sorti de ma pal le passionnant récit de Robert Linhart qui a été adapté au cinéma. Si vous souhaitez faire fonctionner vos zygomatiques, je vous conseille de goûter au « Guacamole vaudou » de Eric Judor et Fabcaro. Une seule déception, « Le tribunal des oiseaux » qui avait pourtant tout pour me plaire.

Côté cinéma, j’ai été beaucoup plus efficace avec neuf films à mon actif dont trois anciens de Johanna Hogg dont je ne vais pas vous parler ici.

Mes préférés :

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Irlande, 1981, Càit grandit dans une famille pauvre avec des parents qui sont plutôt indifférents face à cette enfant rêveuse et réservée. Alors que sa mère s’apprête à accoucher, la jeune Càit est envoyée à la campagne chez des parents éloignés. Elle y restera durant tout un été.

Colm Bairéad a adapté, pour son premier film, « Les trois lumières » de Claire Keegan.  Il a su retranscrire la délicatesse, la douceur de l’écrivaine irlandaise. La jeune Càit, farouche et timide, est laissée seule chez de quasi inconnus, un couple qui cache une profonde blessure. Tous les trois vont lentement s’apprivoiser, en peu de gestes et peu de mots. La beauté du film réside dans la profonde harmonie, compréhension qui naissent entre ces personnages fragiles et sensibles. L’enfant s’épanouit auprès d’adultes attentionnés et tendres. Les interprètes sont parfaits, exprimant les sentiments des personnages avec beaucoup de subtilité et de pudeur. Difficile de résister face au talent des comédiens, à la lumière qui se dégage de la relation entre Càit et ses parents d’adoption le temps d’un été.

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L’Adamant est une péniche amarrée en face de la gare d’Austerlitz et il accueille dans la journée des personnes atteintes de troubles psychiques. Ils peuvent participer à des ateliers, un ciné club, prendre un café ou jouer de la musique. Comme toujours dans les documentaires de Nicolas Philibert, le réalisateur et son équipe laissent les personnes croisées s’exprimer librement en intervenant le moins possible. Les soignés et les soignants se mélangent avec simplicité et chaleur sur la péniche. On croise des destins brisés, contrariés et ce qui frappe c’est la lucidité de certains (François qui explique que sans médicaments, il partirait en vrille) et leur créativité qui s’exprime malgré leur profonde souffrance. L’Adamant semble être une utopie flottante où la parole est totalement libre et où règne une certaine harmonie. Le film de Nicolas Philibert a reçu l’Ours d’or à la dernière Berlinale et c’est amplement mérité.

Et sinon :

  • « L’établi » de Mathias Gokalp : A la fin de l’année 1968, Robert Linhart choisit de se faire embaucher à l’usine Citroën de la porte de Choisy alors qu’il est normalien. Comme d’autres intellectuels de la gauche prolétarienne, il devient un « établi ». Mathias Gokalp adapte le formidable livre que Linhart a écrit à partir de son expérience. Il choisit de le romancer en ajoutant des scènes dans l’intimité du héros, avec sa femme et sa fille. D’autres éléments sont modifiés (l’ajout d’un traitre parmi les ouvriers ne me semble pas du tout pertinent) mais globalement le film retranscrit bien le texte. Il montre un jeune intellectuel confronté à la difficulté du monde ouvriers, des cadences, à de la pression de la hiérarchie, à la discrimination des travailleurs immigrés. Le panel de personnages donne une bonne idée de la société française et du monde du travail à la fin des années 60. Swan Arlaud incarne Robert Linhart et il est, comme toujours, irréprochable. Le remarquable travail de Robert Linhart trouve ici une adaptation qui lui rend un juste hommage et souligne son importance.
  • « Chien de la casse » de Jean-Baptiste Durand : Dog et Morales sont des amis d’enfance. Ils vivent toujours dans leur petit village du sud de la France. Ils y trainent, jouent au jeux vidéo et Morales deal du shit. Ce dernier est cultivé (il cite Montaigne notamment), intelligent et il ne cesse de taquiner son ami, impassible et doux. Lorsqu’Elsa arrive au village, les choses changent. Dog et elle sortent ensemble, Morales ne le supporte pas. « Chien de la casse » est un premier film original et singulier. Entre thriller et western, il nous parle de la forte amitié de Dog et Morales, assemblage improbable du faible et du fort, du taiseux réservé et de la grande gueule. Le petit village est un cul-de-sac pour les deux amis, Morales s’y complait alors que Dog envisage un autre avenir (une autre contrariété pour son compère). Le personnage de Morales est la grande réussite de ce film : complexe, il se révèle aussi attachant qu’insupportable. De plus, il bénéficie du talent étonnant de Raphaël Quenard qui marque profondément le spectateur à chacune de ses apparitions.
  • « De grandes espérances » de Sylvain Declous : Madeleine et Antoine sont venus en Corse, où la famille du jeune homme possède une belle villa, pour réviser l’oral de l’ENA. L’avenir semble sourire à ce couple qui veut s’engager en politique. Mais une altercation avec un automobiliste violent va changer le cours de leurs vies. « De grandes espérances » ce sont celles de Madeleine qui, venue d’un milieu modeste, a du travailler avec acharnement pour être accepter dans le milieu social d’Antoine. Elle en est même arrivée à couper les ponts avec son père qui sera pourtant bien présent lorsqu’elle en aura besoin. Sylvain Declous nous montre, dans ce thriller politique, que les transfuges de classe ne font jamais vraiment partie de la famille (et encore moins quand l’ambitieuse est une femme). Benjamin Lavernhe est parfait dans le rôle d’Antoine, veule et lâche. Madeleine est incarnée par la rayonnante et solide Rebecca Marder qui fait un début de carrière au cinéma sans faute.
  • « Les âmes sœurs » d’André Téchiné : David, 23 ans, soldat au Mali, est rapatrié en France suite à une très grave blessure. Il reste de long mois à l’hôpital pour se soigner er se rétablir. A la fin de sa rééducation, il va vivre chez sa sœur, Jeanne, dans les montagnes de l’Ariège. Le problème, c’est que David a totalement perdu la mémoire. Le frère et la sœur doivent réapprendre à se connaître alors qu’une profonde gêne semble habiter Jeanne depuis l’arrivée de son frère chez elle. Le dernier film d’André Téchiné est plutôt décevant. On y retrouve son talent pour la direction d’acteurs. Noémie Merlant et Benjamin Voisin illuminent le film. Téchiné s’attache au corps, à la jeunesse de ses personnages et sait les mettre en valeur. « Les âmes sœurs » s’achève sur une belle scène au bord de mer irriguée d’éclats de soleil. Mais l’intrigue laisse un goût d’inabouti et André Téchiné donne le sentiment de ne pas savoir où il va ni comment il va achever son film.

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