Majella vit à Aghybogey, en Irlande du Nord, avec sa mère portée un peu trop sur la bouteille. La jeune femme, un peu ronde, travaille dans un Fish’n’chips, « Salé, Pané, Frit ! ». Toute la société de la petite ville défile devant Magella qui connaît les préférences de chacun. Il y a ceux qui sortent du pub, du bingo, les habitués qui font sans cesse les mêmes blagues, les jeunes comme les plus vieux et il y a Marty le collègue de Majella. Quelque soit la situation, elle reste impassible. Et pourtant, ça bouillonne dans sa tête et Majella fait tout pour juguler son flot d’émotions. Il faut dire que la vie n’a guère épargnée notre héroïne : son père a déserté son foyer après la mort de son frère, sa mère se laisse totalement aller et malmène Majella, sa grand-mère vient d’être tuée. De quoi perdre pied.
« Ce que Majella n’aimait pas » souligne à nouveau la vitalité et l’originalité de la littérature irlandaise contemporaine. « Milkman » d’Anna Burns, « Les lanceurs de feu » de Jan Carson et le roman de Michelle Gallen évoque de manière singulière ( par la forme, par les personnages ou l’atmosphère) les Troubles et leurs conséquences. Le roman suit Majella durant une semaine et nous montre une jeune femme surprenante. Celle-ci a mis en place de nombreux stratagèmes pour garder le contrôle sur sa vie et ses émotions. Elle fait claquer ses doigts pour se calmer, elle a enrobé son corps d’une couche de graisse pour se créer une carapace et elle établit des listes de ce qu’elle déteste et de ce qu’elle aime (fan de Dallas, son modèle est J.R. Ewing !).
Il faut qu’elle tienne bon Majella face à sa mère qui dépend totalement d’elle, face à la mort violente de sa grand-mère. Michelle Gallen a créé un personnage étonnant et détonnant. La jeune femme se cache derrière son corps et en même temps elle l’assume : elle se délecte de ses repas, de ses frites salées et vinaigrées, elle aime le sexe. Son ton est cru, les dialogues sont argotiques et donnent une tonalité humoristique qui contraste avec la noirceur de la vie de Majella. La pauvreté, les violences, la séparation forte entre catholiques et protestants à Aghybogey, l’ombre des Troubles sont en effet bien présents dans les pages du roman de Michelle Gallen sans pour autant plomber son intrigue.
« Ce que Majella n’aimait pas » est un premier roman surprenant qui nous offre un personnage principal touchant et infiniment attachant. Le titre original « Big girl, small town » résume bien le quotidien de Majella.
Traduction Carine Chichereau
J’aime bien le titre original… et je suis sûre que ce livre me plairait !
J’ai vu l’autrice à Etonnants voyageurs, j’avais déjà envie de le lire mais maintenant j’en meurs d’envie ! Son humour m’évoquait un peu la série Derry girls.