Avant d’arriver à Cambridge, Maurice Hall avait connu un parcours sans histoire, sans éclat. Il ne brillait ni intellectuellement, ni physiquement. « Bien qu’assez gauche, il ne manquait ni de force ni de courage physique, mais il n’était pas fameux en cricket. Comme il avait subi à son arrivée les brimades habituelles, à son tour il brimait les plus faibles ou les moins bien armés, non par cruauté, mais parce que c’était l’usage. En un mot, il fut un membre médiocre d’un collège médiocre, et il laissa derrière lui un souvenir vague mais plutôt favorable : « Hall ? Attendez voir ! C’était lequel, déjà ? Ah oui, je me souviens un chic type. » A Cambridge, il fait la connaissance de Clive, un esthète avec qui il noue une amitié amoureuse très forte. Cette première proximité avec un homme va permettre à Maurice d’ouvrir les yeux sur son être véritable et sera la première étape vers l’acceptation de son homosexualité.
E.M. Forster écrivit « Maurice » entre 1913 et 1914. Mais il ne fut publié qu’en 1971, un an après la mort de son auteur. Il faut rappeler que l’homosexualité ne fut dépénalisée en Angleterre qu’en 1967. Le sujet ne pouvait que créer un tollé gigantesque au moment de sa sortie. Le roman est d’ailleurs scandaleux à plus d’un titre. « Maurice » est un roman sur l’éveil d’un homme à son homosexualité, sur l’acceptation de soi. Le chemin est bien évidemment long et difficile. Maurice met du temps à admettre ce qu’il est véritablement. Après Clive, il consultera plusieurs médecins espérant accéder à la normalité de son époque et de son milieu. Le mariage, la famille étaient les seules solutions acceptables. C’est d’ailleurs le choix que fera Clive qui avait totalement intellectualisé sa relation avec Maurice. Il s’agissait pour lui d’une relation purement platonique, d’un idéal. Forster nous montre bien les affres, les souffrances liées au désir contrarié. Maurice aspire à plus.
Tout change lorsqu’il rencontre Alec, le garde-chasse de Clive. Comme dans « L’amant de Lady Chatterley », l’épanouissement sexuel et charnel vient d’une personne de classe inférieure. La relation entre les deux hommes n’en était que plus choquante. Ce qui empêchait encore plus la publication du roman aux yeux de Forster était le fait que le livre se termine sur une note positive, optimiste. C’était presque « pousser au crime » que d’imaginer qu’une telle relation pouvait être viable. Sans doute l’auteur espérait-il la même chose pour lui-même, lui qui n’assuma jamais réellement sa propre homosexualité.
« Maurice » est un roman d’apprentissage intimiste, psychologique qui montre brillamment et subtilement l’évolution de son personnage central. Maurice, un homme fade et médiocre, devient lumineux, courageux en acceptant son homosexualité. Pour compléter cette formidable lecture, je vous conseille de voir le très beau film de James Ivory avec James Wilby, Hugh Grant et Rupert Graves dans les rôles titres.
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Et un livre ajouté à ma PAL, un !
Parfait ! C’est un excellent choix !!!
J’ai lu le livre quand j’étais étudiante après m’être enthousiasmée pour le film .Les acteurs d’une grande beauté et l’atmosphère edwardienne ajoutaient beaucoup au charme du film .Même en n’étant pas homosexuel , les 2 oeuvres peuvent laisser un souvenir marquant car c’est aussi une histoire d’amitié et d’amour intemporelle , Je recommande l’autobiographie de Julien Green « Jeunes années » sur un thème analogue .
J’avais vu le film bien avant de lire le livre, d’ailleurs je ne sais pas pourquoi j’ai attendu aussi longtemps, j’en avais gardé un excellent souvenir. L’atmosphère est effectivement très réussie et c’est un plaisir de voir les acteurs évoluer à Cambridge. « Maurice » est l’histoire d’une révélation, d’un personnage qui apprend à se connaître et à apprécier la vie. C’est complètement universel.
Je n’ai jamais vu le film ni lu ce roman mais après ton billet je l’ajoute à ma wl !
Mais il faut que tu rattrape tout ça Bianca !
Très beau billet pour un très beau roman 🙂
C’est sûrement mon préféré de l’auteur avec Chambre avec vue.
Merci Emjy, il faudrait que je relise « Chambre avec vue » que j’ai lu il y a longtemps et que j’avais adoré. Les films d’Ivory sont un régal également. Ce n’est pas si fréquent d’avoir un film autant à la hauteur du roman.
Très beau livre et un beau film ! J’aimerais bien le relire.
Je me dis la même chose pour « Chambre avec vue » que j’ai lu il y a bien longtemps.
Comme je vois que certains découvrent ce roman, je n’ai qu’une seule chose à dire : Qu’attendez-vous pour lire E.M. Forster, pour découvrir les adaptations très réussie de ces oeuvres ? Forster va vous charmer, vous peindre des passages que vous allez retrouver ensuite au cinéma. C’est magnifique, c’est magique et Maurice ne fait pas exception à la règle. J’adhère à tout ce que tu as écrit, Titine.
Merci m’dame ! Et tu as bien raison de vanter à ce point les mérites de Forster qui mérite largement tes éloges.
Je l’ai lu deux fois et j’ai vu le film. J’aime beaucoup Forster, un roman vient d’ailleurs de sortir sur lui, je pense le lire.
Je compte bien également lire le roman qui vient de sortir sur lui et dont je n’ai entendu parler qu’en bien.
Lu et relu. Je pensais que tu le connaissais déjà. Dans le même genre, j’ai énormément aimé « Retour à Brideshead » d’Evelyn Waugh.
J’ai toujours voulu lire « Maurice » mais bizarrement il n’a croisé ma route que maintenant. Je me suis demandée pourquoi j’avais autant attendu ! J’aime beaucoup « Retour à Brideshead », j’ai d’ailleurs une adaptation du roman à regarder.
Je pense l’avoir lu, mais ce serait bien de le relire maintenant, avec quelques années de plus…
Les romans de Forster peuvent se relire sans aucun problème, je pense que l’on y trouve toujours autant de plaisir. Je voudrais bien relire « Chambre avec vue ».
Faudrait que je le lise, pour ton challenge… il est dans ma PAL et j’aimerais aussi voir le film avec celui qui joue le rôle de Lestrade dans la série Sherlock.
Je ne peux que te conseiller de lire le roman et de voir le film qui est largement à la hauteur du travail de Forster.
Je ne le trouve pas facilement, le film ! Mais dès que je l’ai, je me rue dessus.
C’est vrai qu’il date de 1987 mais tu peux le trouver d’occasion.
Je vais le chercher parce que niveau télé********** illégal, je le trouve pas !
Pas encore lu, il va vraiment falloir que je sorte de mes auteurs français (et de ma zone de confort) mais bon… 😉
L’essentiel c’est que tu finisses par le lire ! 😉
Le 1er roman de Forster que j’ai lu et que j’avais bien aimé. Mais c’était sans compter mes lectures suivantes de cet auteur, lectures que j’ai adoré ! (« Howard Ends », les nouvelles, etc.)
Pour le moment, mon préféré reste « Chambre avec vue » mais j’ai aimé tous les romans que j’ai lu de lui. C’est vraiment un auteur de grande qualité.
ça avait été un énorme coup de cœur pour moi 🙂 !
Je comprends, c’est un roman excellent !
« Maurice » n’est pourtant pas bien sympathique , mais c’est à mes yeux pratiquement une des forces du livre ! Le film, plus esthétisant , a un très beau casting , j’avoue le préférer (rhoo..) au bouquin 😉
Je suis complètement d’accord avec toi, Maurice est un personnage médiocre et peu intelligent. Mais c’est justement ce qui rend son courage à la fin du roman si beau et si touchant. J’ai revu le film après ma lecture et je le trouve extrêmement fidèle au livre. Du coup, je serai bien en peine de choisir entre les deux !
Bonsoir Titine, je n’ai vu que le film lors de sa sortie et en effet, le film d’Ivory vaut la peine. Bonne soirée.
Oui, ses trois adaptations de EM Forster sont vraiment magnifiques.
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