The girls d’Emma Cline

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Dans la Californie de la fin des années 60, Evie Boyd est une adolescente qui s’ennuie. Elle vit seule avec sa mère et n’a qu’une seule amie : Connie. Suite à un désaccord, les deux amies s’éloignent. Evie se raccroche alors à un groupe de filles qu’elle a aperçu dans la rue. L’une d’elle, Suzanne, la fascine totalement : « C’était la première fois que j’avais vu Suzanne ; ses cheveux noirs indiquaient, même de loin, qu’elle était différente, et son sourire posé sur moi, direct et examinateur. Je ne pouvais pas m’expliquer ce déchirement que j’avais ressenti  en la regardant. Elle paraissait aussi étrange et brute que ces fleurs éclosent sous la forme d’une explosion intense tous les cinq ans, cette provocation tapageuse, piquante, presque identique à la beauté. Qu’avait donc vu cette fille en me regardant ? » Suzanne et ses amies sont vêtues de guenilles, elles volent dans les magasins. Evie découvre également qu’elles vivent toutes en communauté, dans une grande ferme autour d’un homme : Russell. L’adolescente est attirée par ce gourou et son mode de vie atypique. Elle veut surtout ressembler à Suzanne et ne jamais la quitter. Peu à peu Evie s’éloigne de sa mère pour passer tout son temps avec Suzanne sans imaginer la violence dont celle-ci est capable.

Avec la sortie de « California girls » de Simon Liberati, les médias ont beaucoup parlé du premier roman de Emma Cline. L’américaine s’inspire également de la secte de Charles Manson et du terrifiant assassinat de Sharon Tate et de ses amis. Pour beaucoup, cet évènement d’août 1969 marque la fin de l’insouciance des années 60. Dans le roman de Emma Cline, il est la fin de celle d’Evie, la fin brutale d’une adolescence en manque de repères. A la manière de Jeffrey Eugenides dans « Virgin suicides », Emma Cline sait parfaitement rendre compte du malaise de l’adolescence. Evie est mal dans sa peau, ses parents sont divorcés et elle se cherche un modèle. Suzanne lui semble infiniment libre et libérée. Evie veut lui ressembler. Dans cet été délétère où elle s’ennuie, la vie de Suzanne est palpitante, originale et elle est pimentée par le danger.

Emma Cline démonte bien les mécanismes de la fascination, d’hypnotisation qui mènent à intégrer une secte. Evie, l’adolescente en perdition, n’a plus de volonté, de capacité de réflexion. Elle raconte son histoire une fois devenue adulte et elle comprend tous les signaux qui auraient du l’alerter à l’époque. Le comportement de Russell envers les filles est anormal mais Evie s’y conforme avec un désir très fort d’appartenance au groupe. Le regard vide et froid de Suzanne lui semble également, après coup, annonciateur des drames. Le questionnement de Evie adulte est d’ailleurs très intéressant : elle n’a heureusement pas participé aux assassinats mais qu’aurait-elle fait si elle avait accompagné les autres ? Aurait-elle également sombré dans la violence la plus sauvage ou serait-elle réveillée ?

« The girls » est un premier roman remarquablement maîtrisé et qui impressionne par la profondeur de son analyse psychologique. Emma Cline frappe très fort et j’attends son deuxième roman avec impatience.

Merci aux éditions Quai Voltaire.

America

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18 réflexions sur “The girls d’Emma Cline

  1. Je l’ai trouvé très fort, très flippant aussi, j(aime bcp ce questionnement dont tu parles à la fin de ton billet : « et si j’étais restée, est ce que … » ) punaise oui j’ai aimé ce livre 😉

    • Tu as raison, c’est également très flippant car elle tombe dans cette secte très facilement et elle est prêt à tout pour y rester. L’embrigadement semble si facile…

  2. Pingback: Le mois américain 2016 – Billet récapitulatif | Plaisirs à cultiver

  3. Une bonne grosse claque, un premier roman étonnant de maitrise, et une justesse psychologique qui m’a bluffée! un gros coup de coeur

  4. Au départ le thème di livre ne me tentait pas mais toutes les critiques semblent positives alors…je me laisserais peut-être tenter.

    • Elle ne traite que lointainement le véritable fait divers, c’est plus un prétexte pour traiter de l’adolescence et la faiblesse psychologique de l’héroïne.

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