Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives

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Une jeune mère célibataire s’occupe de son fils de deux ans du matin jusqu’au soir. Elle vit à Lyon, loin de ses amis et de sa famille. Elle n’a pas réussi à obtenir une crèche pour son fils. Elle est graphiste free-lance et peine à concilier son travail avec son enfant qui exige beaucoup d’elle. Le père est parti, l’argent se raréfie, la jeune femme est à bout de forces. « Elle était lasse, fatiguée de cette créature qu’elle avait créée de toutes pièces. C’était sans doute dans ces moments-là que l’envie de fuir était la plus forte. Quand elle réalisait qu’elle ne supportait plus cet unique rôle où on la cantonnait désormais, dans un film dont elle avait manqué le début, qu’elle traversait en figurante. C’était alors que les fugues s’imposaient, comme une respiration, un entêtement. » La jeune femme sort de chez elle une fois l’enfant endormi. La première fois, elle ne part que cinq minutes. Mais chaque sortie nocturne se fait plus longue.

Avec « Tenir jusqu’à l’aube », je découvre avec plaisir la plume de Carole Fives. Son roman est un huis-clos étouffant entre une mère et son fils. Le lien est aussi fusionnel que toxique. Ne pouvant se permettre de payer une baby-sitter, la jeune femme et son enfant ne se quittent à aucun moment. Elle est donc rapidement dépassée par sa situation et cherche de l’aide sur les forums et les réseaux sociaux. Elle n’y trouve que culpabilisation, propos moralisateurs et injonctions à être une meilleure mère. Son cas relèverait uniquement d’une mauvaise organisation. La jeune femme se sent coincée, sans solution. Elle tire alors sur la corde en s’évadant la nuit comme la chèvre de M. Seguin, histoire qu’elle lit le soir à son enfant et qui sert de fil rouge au roman.

Carole Fives a écrit un grand roman social et féministe. La monoparentalité, l’éloignement de son ancienne vie (on devine qu’elle a suivi le père de l’enfant à Lyon) amènent le déclassement social et l’inévitable précarité. L’huissier rôde autour de l’appartement trop cher que l’héroïne n’ose quitter car elle espère un retour du père. L’auteure montre également la difficulté des femmes seules à pouvoir concilier le travail et les enfants. La société porte toujours un regard culpabilisant sur elles, n’admet pas que l’on puisse être dépassée. Carole Fives décrit le quotidien de la jeune femme avec beaucoup d’empathie, de lucidité sur le poids de l’isolement. Les chapitres, les phrases sont courts, incisifs et soulignent l’urgence de la situation.

« Tenir jusqu’à l’aube » est un portrait fin, sensible d’une mère célibataire solitaire qui perd pied et plonge peu à peu dans la précarité.

4 réflexions sur “Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives

  1. Mère seule est un combat de tous les instants…rendu encore plus difficile par l’isolement. Et le regard de la société sur les femmes…on désespère de le voir profondément changer!

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