
Un mois d’août bien rempli avec dix livres très éclectiques. Beaucoup de découvertes d’auteurs mais qui n’ont pas toujours été des réussites. J’ai été assez déçue par la lecture de deux romans : « L’été des oranges amères » de Claire Fuller dont l’intrigue manquait singulièrement de tension au vu de son intrigue ; « Summer mélodie » qui mêlait le bon (la description de l’adolescence et l’ennui de l’été) aux platitudes sur un 1er amour. Le reste de mes lectures fut heureusement beaucoup plus intéressant et j’ai même eu un énorme coup de cœur pour « Etés anglais » de Elizabeth Jane Howard. « Le dit du mistral », premier roman de Olivier Mak-Bouchard, fut une splendide découverte et une balade magique et envoûtante dans le Luberon. Autre formidable premier roman, celui de Sarah Elaine Smith qui nous emmène dans une Pennsylvanie rurale où une adolescente a disparu. J’ai réussi à commencer mes lectures pour le mois américain avec le dernier roman de Colson Whitehead, « Que le diable m’emporte » un autoportrait culottée de Mary MacLane écrit à 19 ans et « Le pouvoir du chien » de Thomas Savage qui s’annonce grandiose. Une fois le mois américain terminé, je vous parlerai de ma découverte de Goliarda Sapienza avec « Moi, Jean Gabin » et de Lisa McInerney avec « Hérésies glorieuses », deux livres que j’ai beaucoup aimés.
Moins de films en août pour cause de vacances, voici ce que je suis allée voir dans les salles obscures :

Marie, Bertrand et Christine se sont connus sur un rond-point lorsqu’ils étaient gilets jaunes. Ils ont découvert qu’ils étaient voisins et s’entraident depuis. Et ils en ont bien besoin. Marie est victime d’un maître-chanteur (qui a besoin d’argent pour payer ses études d’économie) qui a fait une sextape de leur nuit passée ensemble. Il la menace de mettre la vidéo sur internet. Bertrand, surendetté, tombe amoureux d’une démarcheuse téléphonique et sa fille a été humiliée par une vidéo sur les réseaux sociaux. Christine, chauffeuse VTC, désespère de voir sa note de satisfaction stagner à une étoile. Tous les trois vont s’allier pour combattre les Gafa. C’est toujours pour moi un grand plaisir de retrouver le duo déjanté Kervern-Delépine et leur humour décapant. « Effacer l’historique » montre encore une fois l’absurdité de notre monde moderne (comme le bureau de poste à 50 km du lieu d’habitation, la latte de lit fabriqué en Chine et dont la livraison est bloquée au canal de Suez). Nos trois Pieds Nickelés sont perdus, inadaptés mais pas prêts à baisser les bras. Le combat est perdu d’avance mais c’est sans doute ce qui lui donne son panache. L’amitié, comme souvent chez Ken Loach, est ce qui redonne espoir. Blanche Gardin et Corinne Masiero sont comme des poissons dans l’eau, leur présence est une évidence dans le cinéma de Kervern et Delépine. Denis Podalydès est loin de la Comédie Française et cela lui va très bien. Le film nous propose plein de caméos réjouissants ou touchants : Vincent Lacoste en maître-chanteur breton, Michel Houellebecq a besoin d’une voiture et je vous laisse découvrir pourquoi, Bouli Lanners est Dieu, Benoit Poelvoorde est un livreur désespéré et épuisé. Notre monde va mal mais heureusement Kervern et Delépine sont là pour nous faire rire.
- « Never, rarely, sometimes, always de Eliza Hittman : Autumn a 17 ans, elle vit en Pennsylvanie et son adolescence est compliquée chez elle et à l’école. Elle découvre qu’elle est enceinte et essaie de se faire aider. Mais en Pennsylvanie, elle ne peut pas avorter sans l’accord de ses parents. Les personnes du planning familial lui mentent sur sa grossesse et tente de la convaincre de garder son enfant. Autumn décide de partir pour New York avec sa cousine Skylar. Le voyage ne devait durer qu’une seule journée mais l’avortement sera plus compliqué que prévu. Les deux jeunes femmes vont errer dans la ville durant toute la nuit. Eliza Hittman montre avec beaucoup de sobriété le parcours du combattant de cette jeune femme qui choisit d’interrompre sa grossesse. Il en faut de la ténacité, de la volonté à Autumn pour arriver à ses fins. La réalisatrice réalise son film presque comme un documentaire, on suit les deux jeunes filles dans leur périple. Elle nous montre une adolescente sensible, blessée qui veut simplement décider ce qu’elle veut faire de son corps. D’ailleurs, le séjour à New York montre à quel point les deux cousines sont vues comme des proies par les hommes. La violence subie par Autumn est très subtilement abordée et n’en est que plus poignante. Le film de Eliza Hittman, dépouillé et réaliste, est nécessaire à l’heure où l’on cherche à remettre en cause le droit des femmes à disposer de leurs corps.
- « White riot » de Rubika Shah : 1976, le Royaume-Uni est bien morose. La crise économique fait rage et le National Front grimpe dangereusement dans les sondages. Face à cette situation, Red Saunders et Roger Huddle, deux militants de gauche amoureux de musique, décident de réagir. Il créé un fanzine Temporary Hoarding et un mouvement Rock against Racism. Ils souhaitent fédérer les groupes de punk rock et les groupes reggae anglais. Leur magazine mêle politique et musique et défend toutes les minorités. Le succès de leur mouvement est retentissant, les manifestations se multiplient et la répression de la police aussi. Rock against Racism va culminer avec un concert en 1978 regroupant The Clash, Tom Robinson, Sham 69, etc… 80 000 personnes y assisteront et la National Front échouera aux élections. Le documentaire de Rubika Shah est à l’image du fanzine Temporary Hoarding, il est fait de collages, de montages et contient de nombreux témoignages. Le documentaire montre également que rien n’est jamais gagné face à l’extrême droite. Les discours de Enoch Powell alimentaient les idées du National Front dans les années 70. Au moment du vote pour ou contre le Brexit, ces mêmes discours ont réapparu dans les médias. On aurait aimer voir naître, à ce moment-là, un nouveau mouvement Rock against Racism.
- « Mignonnes » de Maïmouna Doucouré : Amy, 11 ans, est d’origines sénégalaises et elle vit avec sa mère et ses frères. Leur immeuble est communautaire et c’est là qu’elle rencontre une jeune fille qui la fascine immédiatement. Elle danse, se maquille, se filme pour les réseaux sociaux. Avec trois autres filles, elle prépare un concours de danse. Les fillettes s’inspirent de danses hyper-sexualisées. Amy fait tout pour faire partie du groupe et fuir la réalité de sa vie : son père va revenir du Sénégal avec une deuxième épouse. Maïmouna Doucouré montre une jeune fille coincée entre deux réalités contradictoires et qui ne lui conviennent pas. D’un côté les traditions où les femmes sont totalement soumises à leurs maris et de l’autre des jeunes filles qui veulent grandir beaucoup trop vite. Des deux côtés de la médaille, la femme est soumise et objet de désir. La jeune Fathia Youssouf est saisissante de justesse et d’émotions. Les autres jeunes filles sont également confondantes de naturel. Tout n’est pas parfait dans ce premier film mais on sent une envie très forte de cinéma et de raconter cette histoire.
Un bilan très riche, dis donc !
Je vais voir « Never, rarely, sometimes, always » cet après-midi, et vu ton avis, je m’en réjouis. J’ai lu aussi le pouvoir du chien pour le Mois américain, et j’ai adoré.. Cela fait plusieurs billets plus que positifs que je vois sur « Le dit du Mistral », cela m’intrigue..
Bonsoir, Effacer l’histoirique m’a fait passer un bon moment au cinéma. J’ai été agréablement surprise. Pas vu les deux autres. Quant aux romans, je compte bien lire Etés anglais tome 1 en attendant les deux suivants. Bonne soirée.