1947, Cornouailles, le révérend Gerald Seddon vient passer quelques jours à St Sody chez son ami le révérend Samuel Bott. Balades, observation des oiseaux, parties d’échecs, voilà les activités qui ponctuaient habituellement les vacances des deux compères. Mais cette fois, le révérend Seddon trouve son ami fort préoccupé. Ce dernier doit en effet écrire une oraison funèbre. L’hôtel de Pendizack a été entièrement détruit après l’éboulement d’une falaise. Celle-ci avait été fragilisée par l’explosion d’une mine dans une crique. Des résidents de l’hôtel ont péri dans la catastrophe.
Quel grand plaisir de lire ce texte de Margaret Kennedy si singulier et intelligemment construit. Suite au prologue entre les deux révérends, le roman est un long flash-back qui revient sur les jours précédents le drame. La narration est déjà par ce fait originale mais Margaret Kennedy nous propose également différents modes narratifs : le journal de l’un des personnages, des notes dactylographiées du révérend Bott, différents points de vue développés dans le même chapitre (la messe du dimanche et le débat politique sont des bijoux, des moments de bravoure dans la construction narrative). A cela, s’ajoute le fait que « Le festin » est à la fois une comédie sociale, un roman à suspens (durant tout le livre, le lecteur se demandera qui va périr dans l’accident et Margaret Kennedy nous rappelle régulièrement l’épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de ses personnages) et un conte moral. En effet, le thème des sept péchés capitaux a présidé à la rédaction du roman et ils se retrouvent dans le caractère des personnages.
La galerie de personnages est savoureuse et nous propose un large panel de la société anglaise : un Lord et sa famille, un couple brisé par la mort de leur enfant, un chanoine colérique et sa fille, une écrivaine bohême et son chauffeur, une veuve désagréable et ses trois filles, une femme de chambre bienveillante, une intendante envieuse et curieuse. Au fur et à mesure, certains personnages dévoilent des secrets, un côté sombre et vil. D’autres au contraire, se révéleront altruiste, courageux et plein d’espoir. Le choix de la période de l’après-guerre n’est pas un hasard : les difficultés matérielles sont de bons révélateurs de la nature humaine. Le gouvernement socialiste ne fait qu’exacerber les différences de classes sociales dans la population anglaise et a fortiori chez les résidents de l’hôtel de Pendizack.
« Le festin » est un roman aussi divertissant que profond dans son analyse de la nature humaine, qu’elle soit sombre ou lumineuse. Margaret Kennedy revisite le roman anglais avec talent, brio et une dose bienvenue d’ironie.
Traduction Denise Van Moppès
Merci aux éditions de la Table Ronde pour cette belle découverte.
Ton avis me donne bien envie de me lancer danq ce roman je note.
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