Le royaume désuni de Jonathan Coe

« C’était l’époque du jubilé d’argent de la reine, je me souviens, et pendant un temps on aurait dit que tout le monde chantait soit l’hymne national, soit le « God save the Queen » des Sex Pistols. D’une certaine façon, c’était incroyablement révélateur de votre psyché nationale, le fait que ces deux chansons puissent être simultanément sur toutes les lèvres. (…) J’ai passé trois mois à Londres et à la fin, j’étais tombé amoureux de tout ce que j’y avais découvert, la musique british, la littérature british, la télévision british, le sens de l’humour… Je me suis même mis à apprécier la cuisine. Je trouvais qu’il y avait là une énergie et une inventivité qu’on ne voyait nulle part ailleurs en Europe, et tout ça sans se prendre au sérieux, avec cette extraordinaire ironie tellement propre aux Britanniques. Et maintenant, qu’est-ce que fait cette même génération ?! Elle vote pour le Brexit, et pour Boris Johnson ? Qu’est-ce qui leur est arrivé ? »

Jonathan Coe tente de répondre à cette épineuse question dans son dernier roman « Le royaume désuni ». Il choisit de le faire au travers de la famille de Mary Clarke et de sept moments clefs de l’Histoire contemporaine du Royaume-Uni, du 8 mai 1945 à mai 2020. La plupart de ces évènements ont trait à la famille royale, ce qui montre l’importance des Windsor pour les anglais du point de vue symbolique et ces cérémonies rythment leur vie. Même ceux  qui sont contre la monarchie suivent les retransmissions télévisuelles de ces moments. « Le royaume désuni » s’inscrit dans la lignée du « Cœur de l’Angleterre », Jonathan Coe y entremêle l’intime et le collectif avec tendresse et une ironie toujours aussi mordante. Il est également lucide sur l’histoire, la politique. L’antagonisme entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni est ici parfaitement analysé. L’auteur nous offre un chapitre aussi drôle qu’affligeant sur la guerre du chocolat à Bruxelles (la famille de Mary Clarke réside à Bournville, banlieue de Birmingham, siège historique de Cadbury). Dans ce même chapitre, il fait un portrait très pertinent de Boris Johnson en clown inconséquent et opportuniste.

Ce qui est très beau et touchant dans « Le royaume désuni », c’est que Jonathan Coe met dans son roman des personnages croisés dans ses œuvres précédentes comme Thomas Foley, le héros de « Expo 58 », ou la famille Trotter de sa trilogie « Les enfants de Longbridge ». Il nous donne ainsi l’impression d’assister à la construction d’une œuvre où les textes se répondent et se complètent. Jonathan Coe a également écrit un chapitre plus personnel où il s’adresse à nous à travers le personnage de Peter, le fils de Mary qui est inspiré de sa propre mère, pour nous parler d’un moment douloureux.

« Le royaume désuni » est de facture classique, le récit est fluide et savoureux. Comme toujours, Jonathan Coe est un brillant chroniqueur de l’histoire contemporaine de son pays. Entre ironie et tendresse pour ses personnages, il m’a une nouvelle fois totalement conquise.

Traduction Marguerite Capelle

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