Le temps passe décidément trop vite et décembre est déjà là. Il est donc temps de tirer le bilan de novembre. Six livres sont venus s’ajouter à la liste de mes livres lus. J’ai retrouvé l’un des mes auteurs préférés Jonathan Coe avec son « Royaume désuni », portrait lucide de son pays ; j’ai également lu le dernier roman de Sally Rooney « Beautiful world where are you » qui est plaisant à lire même si je ressens toujours une distance avec les personnages. J’ai découvert deux auteurs très différents : Kristina Kahakauwila, une jeune autrice hawaïenne, et Jurica Pavicic, un auteur croate. Je vous parle très prochainement du très beau et touchant roman de Wendy Delorme et Fanny Chiarello et de l’imposante biographie de Thomas Mann écrit par Colm Toibin.
Côté cinéma, j’ai vu des films très intéressants et je vous conseille en priorité « Le serment de Pamfir » et « Armageddon times » :
Leonid, surnommé Pamfir (ce qui signifie pierre), revient vivre en Ukraine auprès de sa femme et de son fils. Il était parti travailler en Pologne pour fuir les trafics et la contrebande que tout le monde pratique dans sa région d’origine. Leonid veut être un homme honnête et présent pour sa famille qu’il chérit. Malheureusement, il va être rattrapé par son destin et il va devoir replonger dans les magouilles des mafieux locaux.
« Le serment de Pamfir » est le premier film de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk ce qui surprend tant il est maitrisé. Visuellement, le réalisateur nous offre des images saisissantes et frappantes : mouvements de caméra virtuoses, ambiance forte et marquante (carnaval où les hommes portent des masques d’animaux, couleurs vibrantes et flamboyantes). Les scènes d’ouverture et de fermeture sont incroyables et véritablement frappantes. L’intrigue se situe entre le film noir et le drame antique. Leonid est une sorte de dieu païen invincible (il faut le voir se battre contre dix hommes en même temps) et qui se sacrifie pour l’avenir de son fils. Oleksandr Yatsentyuk, qui l’incarne, est incandescent. « Le serment de Pamfir » est une tragédie, un récit familial sombre et universel sur fond de carnaval de Malanka, un très grand film à ne pas rater.
Début des années 80 dans le Queens, Paul est un jeune garçon rêveur et turbulent. A l’école, il rencontre Johnny avec qui il va faire les 400 coups (un clin d’œil au film de Truffaut est présent dans le film). Paul est plus intéressé par le dessin que par les bancs de l’école ce qui crée de fortes tensions au sein de sa famille. Heureusement, le grand-père maternel de Paul est bienveillant, attentif et compréhensif.
Dans son dernier film, James Gray aborde sa jeunesse de manière poignante. L’évocation de sa famille est un mélange de tendresse et de douleur. Le père n’est pas toujours tendre avec ses deux fils, la mère aimante est aussi infiniment triste, les grands-parents racontent régulièrement le destin tragique de leur famille juive ashkénaze. Mais le plus marquant dans le film est l’amitié entre Paul et Johnny. Le premier découvre l’injustice et les effets du racisme puisque son ami est noir et pauvre. James Gray nous raconte également le basculement de l’Amérique vers l’ultralibéralisme : Reagan est sur le point d’être élu et la famille Trump est à la tête de l’école privée où Paul va être contraint d’aller. Le réalisateur nous propose à nouveau un film remarquable et profondément mélancolique.
Et sinon :
- « Ariaferma » de Leonardo Di Costanzo : Une prison perdue au milieu des montagnes sardes va bientôt fermer ses portes en raison de sa vétusté. Tous les prisonniers doivent être transférés dans d’autres établissements. Mais un imprévu va obliger le gardien chef Gargiulo à rester dans la prison avec d’autres collègues pour surveiller douze détenus. Ces derniers seront rassemblés au centre de la prison, dans une rotonde plus facile à surveiller. La tension va rapidement monter et se cristallise sur la nourriture. Le cuisinier étant parti, tout le monde mange des plats cuisinés que les prisonniers trouvent infâmes. Ils entament alors une grève de la faim. Leonardo Di Costanzo a réalisé une sorte de fable à l’atmosphère particulièrement réussie. Les images de la prison isolée dans le paysage, des cellules désaffectées contribuent à cette dernière. Le huis-clos montre l’opposition entre les prisonniers et leurs gardiens rapidement mis en difficulté. Celui qui mène la danse se nomme Lagioia (et il en montre peu !). Il est froid, austère, peu démonstratif et il va affronter Gargiulo. Le gardien va proposer de s’affranchir des règles, d’assouplir, durant une parenthèse, les relations entre les deux groupes. Ce qui se passe entre les deux protagonistes est impalpable, une étrange relation semble se nouer entre eux. Le rapport de force se transforme subtilement. « Ariaferma » doit également beaucoup à ses deux interprètes principaux : Toni Servillo (un habitué de Paolo Sorrentino) et Silvio Orlando (souvent débonnaire chez Nanni Moretti), parfaits tous les deux.
- « Poulet frites » de Jean Libon et Yves Hinant : Dans un appartement miteux est retrouvé le corps de Farida, égorgée avec un couteau à pain. Le suspect idéal est trouvé en la personne d’Alain, voisin et ex de la victime, un toxicomane au casier judiciaire bien rempli. Il n’a aucun souvenir de la soirée du meurtre. Heureusement pour lui, l’enquête est menée par le flegmatique et rigoureux commissaire Le Moine. « Poulet frites » est l’œuvre de deux anciens acolytes de Strip-tease qui nous avait déjà offert le formidable « Ni juge, ni soumise » en 2019. La juge Anne Gruwez est d’ailleurs en charge de l’enquête. Celle-ci s’est déroulée en 2002-2003. Le travail de la police judiciaire de Bruxelles est exemplaire, allant jusqu’au bout des moindres pistes pour découvrir la vérité et ne se laissant pas influencer par de simples apparences. Comme toujours avec strip-tease, ce documentaire est un mélange de truculence (mention spéciale à Alain, totalement à côté de la plaque) et de profonde humanité qu’il serait dommage de manquer.