Le mois de mars fut un très riche en terme de lecture avec de très beaux textes et un coup de cœur pour l’excellent « Dans les angles morts » de Elizabeth Brundage. Deux livres m’ont frappé par la qualité de leur langue et la beauté de celle-ci : « Ça raconte Sarah » de Pauline Delabroy-Allard et « Par-delà nos corps » de Bérengère Cournut. Le mois de mars m’a également permis de retrouver l’un des mes auteurs préférés : J.M. Erre avec son dernier roman hilarant « Qui a tué l’homme-homard ». Je continue à découvrir les relectures de Shakespeare avec ce moi-ci « Le conte d’hiver » réécrit par la grande Jeannette Winterson. Si ce projet de réécritures vous intéresse autant que moi, vous serez ravis de savoir que les éditions Robert Laffont sortent en avril « Graine de sorcière » de Margaret Atwood qui revisite « La tempête ». Une seule déception ce mois-ci avec une bande-dessinée, qui participe au prix SNCF du polar, « Les visés » ne fut pas à la hauteur de mes attentes. Je termine le mois en beauté puisque je suis actuellement plongée dans « Le chant des revenants » qui me permet de découvrir la romancière américaine Jesmyn Ward. Bon mois d’avril à tous !
Mes coups de cœur du mois :
Alexandre, quadragénaire, constate avec stupeur que le prêtre, qui a abusé de lui lorsqu’il était enfant, officie toujours auprès d’enfants. Fervent catholique, il écrit au diocèse de Lyon pour se plaindre de cet état de fait. Après de nombreux échanges et une confrontation, Alexandre constate que le père Preynat n’est pas sanctionné. Il décide alors de porter plainte contre le prêtre. La police prend ensuite contact avec d’autres enfants abusés dont François, qui décide de créer une association La Parole Libérée. C’est au cours d’une réunion de celle-ci que François croise la route d’Alexandre et celle d’Emmanuel qui n’a jamais réussi à oublier les abus du prêtre et à se construire une vie.
Le film de François Ozon se téléscope avec l’actualité et le refus de la démission du cardinal Barbarin par le pape enfonce le clou du film : la dénonciation de la hiérarchie épiscopale incapable de prendre les mesures qui s’imposent face à des prêtres pédophiles. Le film est extrêmement bien documenté et d’une grande sobriété dans sa mise en scène. Le début du film présente à tour de rôle l’un des trois personnages principaux donnant ainsi à voir des profils et des situations différents. Alexandre, François et Emmanuel sont tous les trois excessivement attachants et servis par des acteurs d’une grande subtilité : Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swan Arlaud (je compléterais la liste avec Eric Caravaca qui a un rôle plus secondaire mais qui est toujours formidable). François Ozon capte également très bien l’entourage de strois hommes : la mère qui culpabilise (Josiane Balasko), le couple qui a réagi à l’époque des faits, le frère jaloux de l’attention donné à celui qui fut abusé, les parents de la haute bourgeoisie qui rejette la douleur de leur fils pour éviter le scandale. Tout cela esr finement analysé et traité dans le film. Un seul bémol, les flash-back qui nous montrent les personnages principaux enfants face au père Preynat. Ils n’apportent pas grand chose au film et l’alourdissent. « Grâce à Dieu » est un film remarquablement documenté, mis en scène avec sobriété et servi par trois acteurs exceptionnels.
Après la première guerre mondiale, Holt revient dans le cirque où il travaillait. Il était le cow-boy vedette qui régalait son public de ses acrobaties. Mais Holt est revenu avec un bras en moins. Fini la voltige. Max Medici, le patron du cirque familial, lui propose de s’occuper de sa dernière acquisition : un éléphant femelle qui va plutôt mettre bas. Celle-ci donne rapidement naissance à un éléphanteau aux oreilles démesurés. Les enfants de Holt se chargent de lui et découvrent bientôt que cet étrange éléphant peut voler.
Tim Burton reprend le classique de Disney et « Dumbo » lui réussit beaucoup mieux que « Alice aux pays des merveilles » qui était calamiteux. Ici, on retrouve le plaisir de voir un film de Tim Burton et cela faisait longtemps que cela ne m’était pas arrivé. Le plaisir n’est d’ailleurs pas que régressif. Bien-sûr, on est heureux de retrouver ce personnage si attendrissant et Tim Burton cite des scènes de l’original comme la danse des éléphants roses. Mais ce qui rend vraiment le film intéressant est sa deuxième partie. Le cirque Medici est racheté par un patron de parc d’attraction. Il veut posséder l’éléphant volant. A travers ce personnage mégalo et cupide et son parc d’attractions calibré, Tim Burton égratigne Disney. Tout y est lisse et les éclopés du cirque Medici n’y ont pas leur place. On retrouve dans « Dumbo » la poésie lunaire du réalisateur et son choix judicieux d’acteurs : Colin Farrell, Eva Green, Dany DeVito et Michaël Keaton qui est décidément fait pour l’univers de Burton. « Dumbo » est donc une réussite qui allie l’émotion, l’humour et l’ironie. Courrez-y avec ou sans vos enfants !
Et sinon :
- Santiago, Italia de Nanni Moretti : Le 11 septembre 1973, un putsch militaire, dirigé par le général Pinochet, renverse le président Allende qui sera acculé au suicide. Commence alors une vague d’arrestation et de torture des chiliens communistes et socialistes qui soutenaient le président élu. Les ambassades étrangères ferment les unes après les autres, sauf une, celle de l’Italie. De nombreux chiliens trouvent refuge entre les murs de celles-ci. Ce sont les témoignages de ces réfugiés que nous livrent Nanni Moretti. Beaucoup sont restés en Italie. Ils sont artistes, ouvriers, avocats, enseignants, diplomates. Ils parlent, avec les yeux brillants, de l’incroyable espoir né de l’élection d’Allende. Ils racontent ensuite l’horreur de la dictature, de Pinochet mis au pouvoir avec l’aide des américains et de la diffamation d’Allende dans les médias. La vie à l’ambassade est longuement évoquée : la manière dont ils franchirent le mur, la vie en communauté et les enfants qui jouent autour de la piscine. Ils expliquent aussi à quel point l’Italie les a accueillis chaleureusement. Et en creux, Nanni Moretti critique l’Italie d’aujourd’hui qui refuse d’accepter les migrants qui traversent la Méditerranée. Les témoignages sont vraiment bouleversants et souligne bien à quel point l’Italie a changé depuis les années 70.
- Marie Stuart, reine d’Ecosse de Josie Rourke : Après le décès du roi de France, son époux, Marie Stuart revient en Ecosse pour revendiquer son trône. Elizabeth 1er et ses conseillers ne l’entendent pas de cette oreille. Marie pourrait vouloir prendre le pouvoir également sur l’Angleterre. Le film de Rosie Rourke est visuellement magnifique : les paysages, les décors et les costumes sont splendides. Ce qui m’a intéressée dans le film, c’est la manière dont Josie Rourke montre la gémellité des deux reines. Elles sont puissantes, volontaires mais leur pouvoir est entravé par les hommes qui ne supportent pas de les voir sur leurs trônes. Chacune pourrait aider et soutenir l’autre mais elles finissent pas devoir se comporter comme les hommes, de manière implacable. Le film montre bien les réticences d’Elizabeth à faire exécuté sa cousine qui lui ressemble et qui éprouve les mêmes difficultés à maintenir son autorité. En voyant le destin de Marie Stuart, on comprend également la décision d’Elizabeth de ne pas avoir de mari. Ceux de Marie cherchent à tout prix à lui voler son trône. Margot Robbie et Saoirse Ronan sont toutes deux parfaites. Le film reste néanmoins très classique. Certaines scènes, comme celle de l’accouchement de Marie, auraient pu nous être épargnées. Celle de la rencontre entre les deux reines, appréciée par beaucoup, m’a semblé très artificielle.
- Damien veut changer le monde de Xavier de Choudens : Damien est pion dans une école primaire. Un jour, la mère du petit Bahzad ne vient pas récupérer son enfant. Damien s’en charge et découvre que la mère et le fils sont menacés d’expulsion. Sensibilisé aux engagements sociaux par ses parents, Damien cherche une solution pour aider cette famille. Pour ce faire, il doit enfreindre la loi. Malheureusement, une fois ce pas franchi, Damien est dépassé par son engagement qui donne des idées à beaucoup, beaucoup d’autres familles. La comédie de Xavier de Choudens est très sympathique, elle comporte juste ce qui faut de bons sentiments pour ne pas tomber dans la guimauve ! Les répartis, les situations sont bien troussées et font mouche. La troupe d’acteurs, avec Franck Gastambide à sa tête, semble follement s’amuser. Le film met à l’honneur le sens du collectif, à l’instar de « Les invisibles », et c’est sans doute cela qui nous fait du bien.
Je n’aurais pas misé un kopek sur Dumbo, mais après ton billet, j’ai bien envie de me laisser tenter (en espérant retrouver les qualités du Tim Burton d’antan) !
J’ai beaucoup hésité aussi mais j’adore Dumbo ! Et j’ai été ravie du résultat, cela faisait longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir devant un film de Tim Burton !
J’ai vraiment envie de voir Grâce a Dieu même si j’ai peur que ce soit trop dur
Ce n’est certes pas un film facile mais il est tellement salutaire.