La fin d’année approche à grand pas et l’heure des bilans aussi. En attendant, voici celui du mois de novembre avec sept romans et une bande-dessinée :
–« Seule en sa demeure » qui m’a permis de découvrir Cécile Coulon dans un univers de conte gothique,
–« Londinium » d’Agnès Mathieu-Daudé qui nous entraîne dans une uchronie bourrée de références historiques et littéraires,
–« Peter Ibbetson » de George du Maurier, roman réaliste et onirique signé du grand-père de Daphné,
–« Le jardin secret » merveilleuse adaptation du roman de Frances H. Burnett par Maud Begon.
Je vous parle très bientôt de mes autres lectures : « La déesse des mouches à feu » de Geneviève Pettersen qui ne m’a pas emballée, « Les ombres filantes », le formidable nouveau roman de Christian Guay-Poliquin et j’ai enfin eu l’occasion de relire « Madame Bovary ».
Et voici les films que j’ai pu voir en novembre avec deux coups de cœur :
1981, François Mitterand est élu président de la République. Dans un petit café de Bretagne, ça exulte, ça applaudit. Dans un coin, Philippe reste assis, il observe son grand-frère Jérôme et ses amis. Tous les deux ont créé une radio pirate : Philippe est à la console pendant que Jérôme anime les soirées avec gouaille et talent. Le taiseux et l’exubérant semblent former un duo parfaitement complémentaire. L’équilibre commence à se fissurer quand Jérôme rencontre Marianne qui fait également fondre le cadet.
Dans « Les magnétiques », c’est bien le discret et timide Philippe qui sera le héros. Il a un don, celui de mixer génialement la musique avec toute sorte de sons. Son talent va trouver à s’exprimer à Berlin, où l’armée l’envoie après des tentatives pour se faire réformer. Philippe s’anime, s’illumine devant ses platines. « Les magnétiques » devient le portrait sensible d’un jeune homme qui apprend à s’émanciper, à quitter l’ombre protectrice et écrasante de son frère. Il y a beaucoup de très belles idées de mise en scène comme la déclaration d’amour de Marianne par cassette interposée pendant que Philippe débarrasse la cantine de la caserne. Les acteurs participent grandement au charme infini qui se dégage de ce film : Joseph Olivennes, Marie Colomb et surtout Thimotée Robart, révélation du film qui incarne Philippe avec délicatesse et intensité. Et que dire de l’excellente bande son qui passe de Joy Division, au le Marquis de Sade ou Gang of Four, rien que pour ça le film vaut le détour ! « Les magnétiques » est un film que je vous conseille sans réserve : vibrant, émouvant, un vrai coup de cœur !
1996, Laura, finlandaise, est venue à Moscou pour ses études d’archéologie. Elle vit avec Irina et avec elle, elle doit faire un voyage à Mourmansk pour y voir des pétroglyphes. Mais c’est finalement seule qu’elle devra entreprendre ce voyage. Elle se retrouve dans un compartiment avec un jeune russe frustre et passablement alcoolisé. Il se rend également à Mourmansk où il travaillera dans les mines. Le trajet s’annonce long pour Laura.
Le film du finlandais Juho Kuosmanen a reçu le Grand Prix du jury au dernier festival de Cannes et c’est amplement mérité. Le trajet vers Mourmansk sera un voyage marquant pour Laura et pas seulement pour les pétroglyphes qui deviennent rapidement un prétexte. Peu à peu, les deux jeunes gens se rapprochent, s’apprivoisent et se plaisent. Rien de commun entre eux, seulement une attirance, une complicité qui s’éveillent de manière imprévue. Cette relation, forcément éphémère, est pleine de charme justement parce qu’elle est improbable et de courte durée. Le poids de la séparation se fait sentir aussi mais les moments emmagasinés ne s’oublieront pas. Cette brève et intense histoire d’amour est touchante, remarquablement filmée et interprétée.
Et sinon :
- « Pig » de Michael Sarnoski : Au cœur de la forêt, Robin vit en ermite dans une cabane en bois. Sa seule compagne est une truie truffière qui lui assure une maigre subsistance. Un négociant en champignons lui échange ses précieuses trouvailles contre de la farine, des œufs, des piles pour son magnétophone, etc… Mais un jour, des individus le brutalisent et lui vole sa truie. Accompagné par son négociant, il va devoir retrouver la civilisation, qu’il a fui, pour récupérer son animal. Le premier film de Michael Sarnoski est extrêmement étonnant et ne correspond à aucun genre. Il se découpe en plusieurs chapitres qui portent comme titre une recette de cuisine. Robin est un ancien chef reconnu et ayant eu beaucoup de succès. Son nom suffit à allumer des étoiles dans les yeux de ceux qui l’entendent. Le réalisateur nous montre Robin en action et ces scènes m’ont fait penser au « Festin de Babette ». « Pig » mélange les genres, nous surprend par des changements d’univers, des ruptures de ton, on passe de la douceur à la brutalité. Nicolas Cage était l’acteur idéal pour interpréter ce personnage à part, taiseux mais dégageant une force, une autorité naturelle.
- « Oranges sanguines » de Jean-Christophe Meurisse : Nous suivons, durant une journée, un ministre de l’économie à la moralité vacillante, un couple de retraités endettés qui participent à un concours de danse et une adolescente qui espère perdre sa virginité très prochainement. Par un enchainement (totalement délirant), les différents protagonistes vont se croiser pour le meilleur et surtout pour le pire ! Le film de Jean-Christophe Meurisse est décapant et n’est pas à mettre sous tous les yeux. Le début est ironique, grinçant (la scène d’auscultation en gynécologie de l’adolescente ou les délibérations du jury du concours de danse donnent le ton). Mais le réalisateur opère un tournant lorsque le ministre d’économie se retrouve en panne dans les bois. Jean-Christophe Meurisse nous plonge alors dans l’horreur et fait apparaître des monstres sadiques et pervers. Il joue également avec la moralité et les émotions des spectateurs lorsque les victimes deviennent bourreaux. Le pessimisme et la radicalité du point de vue ne plairont certainement pas à tout le monde. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que « Oranges sanguines » ne peut laisser indifférent. Si vous aimez l’humour noir, très très noir, foncez !
- « Albatros » de Xavier Beauvois : Laurent est un commandant de gendarmerie exemplaire à Étretat. Son autorité, ses prises de décision sont respectées par ses collègues. Son quotidien va du rappel à l’ordre d’un gamin roulant en scooter sans casque à la constatation d’un suicide en bas des falaises. Laurent vit à la caserne avec sa fille et sa compagne. Il vient de demander celle-ci en mariage. Laurent est solide, équilibré. Pourtant, sa vie va basculer totalement suite à un tragique évènement. Xavier Beauvois excelle à montrer le quotidien de cet homme tranquille. Toute la première partie du film porte sur son travail de gendarme, son quotidien auprès de ses proches. Le réalisateur filme avec minutie, empathie cette région qu’il connaît bien. Mais au milieu du récit, l’intrigue change radicalement, du réalisme du début on passe à du romanesque pur. Laurent vacille, perd pieds, il n’est pas monolithique et ses faiblesses affleurent alors. Le personnage est incarné par le toujours juste et vibrant Jérémie Renier qui porte le film sur ses épaules. Marie-Julie Maille, coscénariste, cheffe monteuse, apporte beaucoup de force et d’émotion au film au travers de son rôle de compagne de Laurent. Xavier Beauvois nous offre un film maîtrisé et il n’hésite pas à surprendre son public en faisant prendre un virage à 180° à son récit.
- « Tre piani » de Nanni Moretti : Un accident va bouleverser la vie des habitants d’un immeuble romain. Il y a Vittorio et sa femme Dora dont le fils est à l’origine de l’accident, Monica qui vit seule avec son bébé car son mari travaille loin de là, Lucio qui accuse son vieux voisin de pallier d’avoir eu des gestes déplacés sur sa petite fille. Le dernier film de Nanni Moretti est l’adaptation du roman « Trois étages » de Eshkol Nevo. Les destinées des différents personnages se déroulent sur plusieurs décennies, on les voit évoluer, changer. Le récit est dense et ressemble à un recueil de nouvelles. Le ton est sombre, pessimiste. Les personnages se perdent, se noient dans leurs certitudes (Vittorio et Lucio) ou dans leurs doutes (Monica). L’émotion affleure sans cesse, les failles, la capacité ou non d’évoluer de ces habitants sont au cœur du film. Le personnage de Monica est sans aucun doute le plus touchant, sa solitude, sa peur de perdre pied totalement émeuvent. il faut saluer le casting cinq étoiles de « Tre piani » : Alba Rohrwacher émotive et fragile, Riccardo Scamarcio rongé de colère, Margherita Buy bouleverse dans son rôle de mère tiraillée entre son fils et son mari. Sans doute un peu long, « Tre piani » n’est certes pas le meilleur film de Nanni Moretti mais j’ai aimé la diversité et la complexité des personnages et la qualité du casting.
- « Amants » de Nicole Garcia : Simon est un petit trafiquant de drogues qui fréquente de riches clients. Il est en couple avec Lisa depuis de nombreuses années. Elle suit une formation en école hôtelière. Un soir, leur destin va basculer et Simon va fuir la France sans Lisa. Celle-ci aura bien du mal à se remettre de son départ mais elle finira par épouser Léo, un riche homme d’affaires. Trois ans après le drame, les chemins de Lisa et de Simon vont se recroiser par hasard dans l’Océan indien. Le nouveau film de Nicole Garcia se tourne vers le film noir. L’atmosphère est pesante, toujours inquiétante même si la menace ne prend réellement forme qu’à la toute fin du film. La réalisatrice reprend le classique trio amoureux où la classe sociale, l’argent jouent un rôle essentiel. Les trois acteurs jouent parfaitement leurs partitions, chacun reste opaque, mystérieux dans ses intentions. La narration manque néanmoins de fluidité, une sensation de scènes décousues m’a gagnée. C’est fort dommage car l’ensemble de la mise en scène était léchée et apportait un côté glacial à l’intrigue.
Seule en sa demeure me tente pas mal…
Quant à Albatros, ton avis m’intrigue pas mal !
Bon mois de décembre 🙂