Bilan livresque et cinéma de janvier

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Et nous voilà repartis pour une nouvelle année riche en lectures et en films et en ce mois de janvier 2023 j’ai lu sept livres. J’aurais commencé cette nouvelle année par une petite déception avec « La fin d’une ère » qui clôt la saga d’Elizabeth Jane Howard. Je n’ai pas non plus été totalement convaincue par le dernier roman de Julian Barnes « Elizabeth Finch », même si certains aspects m’ont plu. Le reste de mes lectures fut plus concluant avec la découverte d’Isabelle Amonou et son « Enfant rivière », celle de Laura Ulonati et de sa biographie romancée des sœurs Stephen, celle de Maria Larrea qui a écrit un premier roman très intéressant et singulier, celle d’Anne Enright avec son dernier roman « Actrice ». J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir la plume de May Sinclair avec « Vie et mort de Harriett Frean », un petit bijou dont je vous parle très bientôt.

Huit films sont venus complétés ce premier mois de l’année avec trois coups de cœur :

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1953, M. Williams est fonctionnaire à la mairie de Londres. Austère, rigide, toujours ponctuel, il impressionne ses subalternes par sa rigueur. Mais cette vie si bien réglée va être bouleversée lorsqu’il va apprendre qu’il n’a plus que six mois à vivre. Ne serait-il pas temps qu’il profite de la vie ?

L’intrigue de « Vivre » est aussi simple que çà mais le résultat est un bijou d’émotions. Oliver Hermanus adapte le film d’Akira Kurosawa à partir d’un scénario de Kazuo Ishiguro (on ne peut s’empêcher de penser aux « Vestiges du jour »). M. Williams évolue dans le Londres gris d’après-guerre où il y a encore tant à reconstruire. Et après quelques jours de dérives à Brighton, il choisit de laisser une trace, de sortir un dossier de sa pile poussiéreuse de la mairie afin de concrétiser un projet pouvant améliorer le quotidien d’un quartier. Bill Nighy éclabousse le film de son élégance, de sa classe so english et de son talent minimaliste si précieux. « Vivre » et M. Williams se révèleront absolument bouleversants.

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Sur une petite île irlandaise, Colm a décidé de ne plus adresser la parole à Pàdraic. Ils sont pourtant amis de longue date. Pàdraic n’a pourtant rien fait pour mériter ça et il ne comprend pas la réaction de son ami. Il s’obstine à aller le chercher pour aller au pub, à lui parler sans cesse. Colm le menace alors de se couper un doigt s’il continuait à lui parler.

Le réalisateur de « Bons baisers de Bruges » et de « Billboards, les panneaux de la vengeance » nous propose ici une fable singulière et surprenante. Sur cette île isolée et peu peuplée, les relations humaines sont comptées et l’attitude de Colm est incompréhensible. Mais celui-ci, qui a la soixantaine, ne veut plus perdre de temps en bavardages, il veut créer, écrire de la musique. Pour Pàdraic en revanche, rien n’est plus important que ses soirées au pub avec son ami. L’histoire des deux hommes tourne à l’absurde lorsque chacun s’entête. Martin McDonagh a eu l’excellente idée de reformer le duo d’acteurs de « Bons baisers de Bruges » : Colin Farrell et Brendan Gleeson qui excellent. Les paysages splendides et rudes forment un cadre idéal à cette histoire d’amitié qui souligne l’étrangeté de l’autre.

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Los Angeles, années 1920, les débuts du cinéma font se croiser Jack Conrad, une star montante, Nellie LeRoy, une jeune femme prête à tout pour se voir sur grand écran et Manny Torres, un jeune émigré mexicain qui fera tous les métiers existants sur les plateaux de tournage. L’époque est aux fêtes orgiaques, les tournages sont épiques et bricolés mais la joie de filmer est éclatante. L’arrivée du cinéma parlant, et bientôt du code Hays, va changer la donne et transformer cet art artisanal en industrie.

Damien Chazelle nous offre avec son dernier film 3h10 de déclaration d’amour au cinéma. Celle-ci se terminera en apothéose dans une salle obscure. Avant cela, le spectateur est emporté dans un tourbillon d’images et de musique (le tempo est toujours important chez Damien Chazelle). Il fait revivre les débuts du cinéma avec brio, énergie, fièvre et il salue les pionniers du cinéma qui lui ont ouvert la voie. Le cinéma n’est pas un art mineur et le réalisateur le montre ici avec un talent fou. « Babylon » évoque « Chantons sous la pluie » mais ici la fin de nos trois héros est plus sombre et mélancolique. Le parlant, et les normes qu’il impose, enlève un peu de la magie et de la liberté. Margot Robbie, Brad Pitt et Diego Calva illuminent le film. « Babylon » est un régal, une grande réussite visuelle et le plus bel hommage qu’un réalisateur pouvait rendre au cinéma. Chapeau bas M. Chazelle.

Et sinon :

  • « Nostalgia » de Mario Martone : Felice revient à Naples, sa ville natale, après quarante ans d’absence. Il vient pour sa mère, pour la revoir une dernière fois. Il doit ensuite retourner en Egypte où l’attend sa femme et où il a réussi sa vie. Mais Felice est envoûté par Naples, par ses ruelles étroites, par ses habitants accueillants, par ses souvenirs d’enfance qui lui reviennent en mémoire. Le quartier de la Sanità, où il a grandi, n’est pourtant pas qu’un lieu joyeux, l’ombre de la Camorra y plane toujours fortement. « Nostalgia » est un formidable film sur la puissance des origines, de l’enfance. Felice ne pense revenir que quelques jours à Naples mais il s’y enracine à nouveau. Il s’obstine à vouloir revivre ses souvenirs, à retrouver son ami d’enfance Oreste qui est pourtant devenu un dangereux chef mafieux. Une volonté de réconciliation, de retrouvailles l’habite si fortement qu’il ne voit plus la menace. Mario Martone nous offre de belles scènes d’humanité, de fraternité malgré la violence (comme celles qui se déroulent dans l’église d’un prêtre qui veut sauver la jeunesse de la Sanità). Le réalisateur sait également faire vivre, palpiter ce quartier pauvre de Naples. « Nostalgia » a des allures de tragédie grecque. Saisissant.
  • « Tàr » de Todd Field : Tàr est une cheffe d’orchestre au sommet de sa gloire qui dirige un orchestre philharmonique allemand. Entre masterclass, cours, répétition de la 5ème symphonie de Mahler, sa femme et sa fille, se dessine l’univers de Tàr où elle maitrise tout. Son talent force l’admiration de tous. Mais le comportement de Tàr est loin d’être irréprochable avec certaines jeunes musiciennes et cela pourrait remettre en cause sa si belle carrière. « Tàr » est le récit d’une chute, du passage de la lumière à l’ombre pour une femme brillante et arrogante. Le personnage, imaginé pour Cate Blanchett, n’est guère sympathique : froid, hiératique et dominant tout le monde. La maîtrise est sans doute ce qui la caractérise le mieux. C’est pourquoi Tàr perd pied quand son destin lui échappe. Subtilement, la réalité se fissure et se montre, par petites touches, menaçantes. Cate Blanchett est fascinante à regarder, sa prestation est impeccable. Même si le film impressionne, je l’ai trouvé un peu long (2h38), la chute de Tàr met un peu trop de temps à s’enclencher et la fin en Asie s’éternise également un peu.
  • « Les survivants » de Guillaume Renusson : Après un terrible drame, Samuel retourne dans son chalet isolé dans les Alpes italiennes. Il y découvre Chehreh, une migrante qui s’est réfugiée chez lui pour se protéger du froid. Samuel, qui semble totalement déprimé, va décider d’aider la jeune femme à rejoindre la France où son mari doit l’attendre. « Les survivants » est le premier film très réussi de Guillaume Renusson. Le passage de frontière se transforme en une traque tendue. Samuel et Chehreh sont poursuivis dans les montagnes par des individus rejetant violemment l’immigration. Les paysages enneigés ne sont pas les seuls à être hostiles. Denis Menochet, toujours impressionnant physiquement, et Zar Amir Ebrahimi incarnent deux personnages qui n’auraient jamais du se croiser mais qui vont chacun sauver la vie de l’autre. L’entraide est ici le cœur du film et elle dépasse les frontières, la barrière de la langue. Elle permet également à Samuel de retrouver son humanité, son empathie pour les autres.
  • « L’immensità » d’Emanuele Crialese : Clara est une femme resplendissante, enjouée et aimante envers ses trois enfants. Ils aiment regarder ensemble des émissions de variétés. Derrière la façade de famille heureuse, se cache une femme malheureuse, sous la coupe de son mari. Comme les épouses des années 70, Clara est une potiche que son mari exhibe chez ses amis. Les trois enfants ressentent le mal-être de leur mère, sa fragilité. C’est surtout le cas d’Adri, l’aînée de la fratrie, qui vit elle-même un moment charnière où elle découvre son homosexualité. « L’immensità » est le portrait poignant de Clara, qui fait de moins en moins face, et celui d’Adri qui s’affirme. Emanuele Crialese nous offre une chronique familiale aussi tendre, joyeuse (la scène où Clara met la table avec ses enfants en chantant) que mélancolique. Penelope Cruz est à nouveau formidable de délicatesse, d’émotion, sa performance est intense comme celle de la jeune Luana Giuliani.
  • « Les cyclades » de Marc Fitoussi : Adolescentes, Blandine et Magalie s’étaient promises d’aller ensemble à Amorgos, l’île grecque où se déroulait « Le grand bleu ». Elles se sont ensuite perdues de vue. Elles vont se retrouver grâce au fils de Blandine qui veut aider sa mère à sortir de sa dépression  post-divorce. Il retrouve Magalie et programme un voyage en Grèce pour les deux femmes. La comédie de Marc Fitoussi tient dans l’opposition de caractère entre les deux amies. Blandine est austère, prudente, éteinte alors que Magalie est solaire, insouciante et exubérante. Bien sûr les deux femmes se révèleront plus complexes que ce qu’il parait. Leur voyage, semé de péripéties et de rencontres improbables, oscillera entre fantaisie et émotion. « Les cyclades » doit beaucoup à ses comédiennes, parfaites dans leur rôle respectif : Olivia Côte et Laure Calamy. S’ajoute à ce duo savoureux Kristin Scott Thomas que l’on a plaisir à retrouver. Une jolie comédie sur l’émancipation et l’amitié.

2 réflexions sur “Bilan livresque et cinéma de janvier

  1. « Les Banshees d’Inisherin » me tente énormément et j’espère qu’il sera encore au ciné quand je pourrai aller le voir car j’ai loupé le coche la semaine passée… Quant à « Babylon », je l’ai vu et j’ai bien aimé ; le dernier tiers a quelque peu réduit mon enthousiasme devant le film. En tout cas, super casting, musique et rythme incroyables !

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