1986, Rachel Swart décède des suites d’un cancer. Amor, sa fille cadette de 13 ans, doit quitter son pensionnat pour rejoindre la ferme familiale à Pretoria. Elle y retrouve son père Manie et sa sœur Astrid. Son frère Anton, qui fait son service militaire, les rejoindra plus tard. L’enterrement de Rachel est une source de très forte tension dans la famille. Les Swart sont des Afrikaners et Rachel avait du renoncer à la religion juive pour épouser Manie. A la fin de sa vie, elle a souhaité rejoindre son culte d’origine. Manie ne pourra pas reposer auprès de son épouse lorsque la mort le frappera. S’ajoute à cela une promesse que Manie a faite à Rachel sur son lit de mort : donner à leur domestique noire Salomé l’entière propriété de la petite maison où elle loge. Une fois sa femme disparue, Manie oublie vite ce qu’il lui a promis. Malheureusement pour lui, Amor a entendu la promesse faite par sa mère et elle compte bien obliger son père à la tenir.
« La promesse » de Damon Galgut a obtenu le Booker Price 2021 et on comprend pourquoi à la lecture de ce roman virtuose. Nous suivons la famille Swart de 1986 à 2018 au travers de quatre enterrements. Chacun est l’occasion de rassembler les membres de cette famille dysfonctionnelle aux liens distendus. Son histoire est le miroir de celle de l’Afrique du Sud et chaque décès se déroule à un moment important : la coupe du monde de rugby organisée et gagnée par le pays, l’investiture du président Thabo Mbeki, la démission du président Jacob Zuma. La nation arc-en-ciel, comme Manie, ne tient pas ses promesses. La fin de l’Apartheid donnait beaucoup d’espoir mais lorsque le roman s’achève la commission Vérité et Réconciliation est mise en place pour revenir sur les exactions du passé. Les scandales de corruption se multiplient, le constat est bien triste.
Ce qui rend ce roman aussi brillant est le choix narratif de Damon Galgut. Il adopte les points de vue de l’ensemble des personnages, glissant d’une voix à l’autre avec une incroyable fluidité. Cette forme narrative m’a fait penser au stream of consciousness de Virginia Woolf et notamment à son roman « Les vagues ». Tous les personnages, les principaux comme les plus secondaires, ont droit à la parole et à l’expression de leurs sentiments, de leur histoire. S’ajoute à ce dispositif, un narrateur omniscient qui s’adresse à nous et fait preuve d’une ironie cinglante. Dans ce récit grave, ces interventions sarcastiques sont des respirations bienvenues.
« La promesse » est un roman captivant, remarquablement construit et qui m’a totalement séduite.
Traduction Hélène Papot
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